Shaughnessy Bishop-Stall est un enfant terrible des milieux littéraires torontois. Sa carrière a été lancée en 2004 avec le récit de l'année qu'il a passée dans un camp de sans-abri de la Ville Reine. Il s'est ensuite acheté un bar pour mieux y écrire. Son dernier livre, Hungover, porte sur la gueule de bois. Ses recherches intensives en la matière ont compliqué ses relations de couple et ses amitiés, admet-il.

Le paradis de la gueule de bois

Shaughnessy Bishop-Stall a mis 10 ans à conclure son étude de la gueule de bois. « J'ai écrit au fil de ma carrière sur plusieurs types de débauche et beaucoup sur l'alcool », dit-il, joint à Toronto dans le taxi qui l'amène à un salon funéraire.

« Le projet est né pendant une fête d'été durant la crise financière. Je discutais avec une amie qui venait de perdre son travail et voulait lancer une entreprise spécialisée dans la vente de trousses de gueule de bois aux étudiants de l'université près de laquelle elle habitait. Une attachée de Harper Collins a entendu notre conversation et, à l'automne, m'a invité à son party de Noël. Pendant la soirée, elle a réussi à me convaincre de me lancer dans ce livre. »

Au fil de ses recherches, M. Bishop-Stall est retourné plusieurs fois consulter les spécialistes du Hangover Heaven, une clinique de Las Vegas qui offre des « traitements préventifs » et curatifs en la matière. « Avec le film Hangover, il y a eu un boum à Vegas de ce type de commerces. »

Adrénaline

C'est justement à Las Vegas, lors d'un saut de type bungee du haut d'un gratte-ciel appelé Stratosphere Tower SkyJump, qu'il a eu sa première révélation. « L'adrénaline chasse la gueule de bois, dit l'auteur de 44 ans. Ça redémarre les systèmes du corps. Il y a des études scientifiques et techniques sur le sujet. » 

M. Bishop-Stall a aussi vécu cette expérience lors d'un reportage sur une séance d'acrobaties en avion et durant un enterrement de vie de garçon dans un chalet dans le bois, qui incluait le matin du second jour un saut en bas d'une chute d'eau.

Les microbes

Une autre théorie qu'examine l'écrivain torontois est l'activité microbienne : certaines bactéries du système digestif deviennent plus actives avec l'alcool et créent un surplus d'une enzyme essentielle à la création de l'acétaldéhyde, l'une des molécules responsables du malaise lié à la gueule de bois. Cette piste est notamment étudiée par l'Alcohol Hangover Research Group, fondé par un biologiste de l'Université d'Utrecht, aux Pays-Bas, qui, avec des collègues d'une demi-douzaine d'universités britanniques, américaines et australiennes, organise chaque automne depuis 2010 une réunion scientifique sur le sujet.

« La recette que j'ai fini par élaborer a probablement un impact sur l'activité microbienne. Elle implique notamment la prise de certains produits avant d'aller se coucher, pour empêcher la formation des composés néfastes. »

- Shaughnessy Bishop-Stall

Le remède fonctionne-t-il ? « Disons que ça a diminué les aspects négatifs d'une cuite. C'est une bonne et une mauvaise chose. J'ai une raison de moins pour ne pas boire. » C'est d'autant plus problématique que l'auteur de Hungover est depuis l'an dernier le rédacteur en chef de la société torontoise Mysterious Package. « C'est mon premier travail de 9 à 5. Auparavant, je n'avais jamais vraiment eu à me lever le matin. »

La première fois

Quel est le plus vieux souvenir de gueule de bois de Shaughnessy Bishop-Stall ? « J'avais 13 ou 14 ans, ma copine a déménagé en France. J'étais triste, j'ai bu de la bière avec des amis et me suis réveillé avec une sensation que je n'avais jamais connue. Je me souviens très nettement de la déception de ma mère quand elle m'a vu sortir de ma chambre dans cet état. »

Le jugement d'autrui joue-t-il un rôle dans les affres du lendemain de veille ? « À la base, on s'en veut, on se trouve stupide. Mais il est vrai que la moralité joue un rôle. Je crois que l'Église y est pour beaucoup. Elle a commencé à dénoncer l'ivresse quand les premières tavernes ont commencé, à la fin du Moyen Âge, à concurrencer les abbayes, qui auparavant avaient le monopole de la production d'alcool. »

EN CHIFFRES

9,3 % des Américains vont travailler avec une gueule de bois au moins une fois par année

10 milliards CAN Coût en pertes de productivité de la gueule de bois dans le monde du travail au Canada

785 millions US Ventes des produits destinés au traitement de la gueule de bois aux États-Unis en 2017

Sources : CDC, CCSA, Marketplace

Hungover - The Morning After and One Man's Quest for the Cure

Shaughnessy Bishop-Stall, Penguin Random House, 417 p.