Chaussures sport et jeans faits de plastique récupéré dans l'océan. Vêtements de sport fabriqués avec des bouteilles de boisson gazeuse. Sacs confectionnés à partir de vieilles toiles de camion et de chambres à air de vélo. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à choisir les déchets pour fabriquer vêtements et accessoires. Veulent-elles sauver la planète ou soigner leur image?

Chaussures sport

C'est le plus récent coup d'éclat dans la catégorie «vêtements fabriqués avec des déchets». Adidas a dévoilé le mois dernier une paire de chaussures sport entièrement faites de plastique et de filets récupérés dans les océans. L'initiative découle d'un partenariat avec Parley for the Oceans, une organisation qui veut sensibiliser le grand public au sort des océans. Mais ne cherchez pas les souliers en magasin: la paire dévoilée n'est qu'un prototype. «Nous prévoyons avoir des produits sur le marché qui incorporent du plastique provenant des océans au début de l'an prochain», explique la porte-parole Maria Culp.

Jeans

Des jeans faits de plastique? C'est ce que fabrique l'entreprise néerlandaise G-Star Raw depuis l'an dernier. Les fibres des pantalons sont conçues avec du plastique récupéré dans les océans et manufacturées par l'entreprise Bionic Yarn. Les vêtements sont promus par la star musicale Pharrell Williams, présentée comme le directeur créatif de la collection.

Maillots de soccer

C'était impossible à voir lorsqu'elles ont sauté de joie lors de leur victoire contre le Japon, mais les joueuses de l'équipe américaine de la dernière Coupe du monde de soccer, qui s'est tenue cet été au Canada, portaient des maillots blancs faits avec de vieilles bouteilles de plastique. Selon Nike, qui a fabriqué les maillots, l'équivalent de 18 bouteilles ont été nécessaires pour fabriquer chaque uniforme.

Sacs

À Zurich, l'entreprise Freitag, elle-même installée dans un bâtiment fait de conteneurs, fabrique des sacs confectionnés à partir de vieilles bâches utilisées par les camionneurs pour couvrir les marchandises lors du transport. D'autres déchets comme des chambres à air et des ceintures de sécurité de voiture usagées entrent aussi dans la fabrication des sacs. L'entreprise dit utiliser 350 tonnes de bâches de camion chaque année.

Effet d'entraînement

Selon Paul Lanoie, professeur d'économie appliquée à HEC Montréal, on aurait tort de ne voir que du marketing dans de tels efforts.

«À mes yeux, ça a une très bonne valeur. Dans un monde où il y a de moins en moins de ressources naturelles, la réutilisation des ressources est très pertinente», dit-il.

Il se réjouit particulièrement de voir des géants comme Nike et Adidas se mettre à recycler des déchets.

«Ça peut provoquer un effet d'entraînement, dit-il. Les grandes entreprises ont beaucoup de fournisseurs et leurs décisions peuvent avoir un impact sur toute la chaîne en amont.»

Info manquante

Hugues Imbeault-Tétreault, analyste au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services, convient qu'on obtient habituellement un gain environnemental en fabriquant des produits à partir de matières recyclées. Mais il aurait aimé que les fabricants documentent ce gain sur l'ensemble de la vie de leurs produits.

«Dans ce que j'ai vu, on ne tient compte ni de l'utilisation ni de la fin de vie du produit», dit-il.

Un exemple: il est possible qu'en lavant des vêtements faits de plastique, on génère des microbilles de polymère qui échoueront au fond des cours d'eau et seront très difficiles à récupérer.

Patagonia fait figure de pionnière dans la fabrication de vêtements à partir de déchets. Dès 1993, l'entreprise a commencé à utiliser de vieilles bouteilles de boissons gazeuses pour fabriquer le polyester de ses vestes. Elle incite aussi ses clients à lui retourner leurs vieux vêtements, qui servent à en fabriquer de nouveaux. En réponse aux inquiétudes de l'analyste Hugues Imbeault-Tétreault, Patagonia dit avoir étudié l'impact de ses fibres sur l'ensemble du cycle de vie des produits. Pour ce qui est de la production des matières premières, l'entreprise dit utiliser 76 % moins d'énergie et émettre 71 % moins de CO2 en utilisant des matériaux recyclés. «Nous évitons le forage et le raffinage associés au pétrole servant à faire le polyester», explique Jill Dumain, directrice de la stratégie environnementale chez Patagonia. Selon elle, le reste du cycle - l'utilisation et la fin de vie des vêtements - est semblable pour les vêtements de polyester normal et les vêtements de polyester recyclé. L'entreprise vient par ailleurs de lancer une étude pour voir si le lavage de ses vêtements génère des microbilles de plastique.