Il reposait depuis plus de 1000 ans au pied de l'église Saint-Germain des Prés, dans le coeur de Paris, jusqu'à ce que des fouilles mettent au jour sa tombe et son squelette. Était-ce un dignitaire mérovingien, un moine carolingien? Les archéologues vont tenter de le déterminer.

Les bras croisés, il a la tête tournée vers l'église, l'une des plus anciennes de la capitale française, construite sous le roi mérovingien (du nom de la dynastie issue de Mérovée) Childebert au VIe siècle et première nécropole royale. Détruite par les Normands, elle a été reconstruite en l'an mil sous la forme d'une basilique romane. Épargnée par les destructions révolutionnaires, l'église de Saint-Germain-des-Prés a été remaniée au XIXe siècle.

Le squelette «SPO10» - son numéro de fouille - n'est pas tout seul dans le petit square de l'ancienne abbaye. Les archéologues de la Ville, qui creusent depuis un mois, ont trouvé quatre tombes mérovingiennes en plâtre datant du VIe ou VIIe siècle. Ainsi que onze caveaux carolingiens (du nom de la dynastie issue de Pépin le Bref) datant du Xe ou XIe siècle.

Plus de dix squelettes ont déjà été exhumés, mais il y en aura sans doute davantage, car les sarcophages mérovingiens, situés un niveau au-dessous des caveaux carolingiens, n'ont pas encore été ouverts.

Le chantier de fouilles doit se terminer fin septembre afin de permettre à des travaux d'assainissement de commencer. Ils sont destinés à éviter les remontées d'humidité sur les murs de l'église.

Au XIXe siècle déjà, des fouilles avaient été entreprises à cet endroit par l'archéologue Théodore Vacquer, à l'occasion du percement du boulevard Saint-Germain par le baron Haussmann, rappelle Martial Braconnier, ingénieur général à la sous-direction du patrimoine de la Ville de Paris.

Vacquer avait découvert des tombes mérovingiennes, mais il s'était concentré sur la recherche d'objets funéraires et n'avait pas conservé les squelettes.

C'est à Saint-Germain-des-Prés qu'a été installée la première nécropole royale avant qu'elle ne soit transférée à Saint-Denis (région parisienne), rappelle David Coxall, chef du pôle archéologie de la Ville de Paris. «La haute aristocratie se faisait enterrer autour du roi».

Encore des sarcophages à ouvrir

«Nous nous attendions à trouver des tombes de la nécropole mérovingienne», souligne Jean-François Goret, archéologue municipal, qui dirige les fouilles.

«La nouveauté est la mise en évidence de sépultures carolingiennes», au niveau supérieur. Dans ces tombes maçonnées, les archéologues n'ont trouvé que des hommes. Signe qu'il s'agissait peut-être de moines, dit-il.

Les caveaux carolingiens étaient très différents des tombes mérovingiennes et ils ne contenaient pas d'objets funéraires. Les chercheurs utiliseront sans doute la datation au Carbone 14 pour en savoir plus.

Les fouilles ont également permis de mettre en évidence un fossé défensif creusé dans la première moitié du XIVe siècle.

Les archéologues espèrent faire de nouvelles découvertes dans les trois prochains mois, notamment lorsqu'ils ouvriront les sarcophages mérovingiens.

À cette époque, les aristocrates étaient enterrés avec leurs atours, et il pourrait y avoir des fibules, des ceintures, voire des armes, à condition que les tombes n'aient pas été pillées...

Pour protéger les fouilles, un dispositif de caméras de surveillance a été installé. Les objets et squelettes sont envoyés au fur et à mesure de leur découverte dans les ateliers de restauration de la Ville de Paris. SPO10 va devoir quitter sous peu la rive gauche.