Cousin des baleines, l'hippopotame est «un vrai Africain»: ses lointains ancêtres, partis d'Asie, sont arrivés en Afrique il y a environ 35 millions d'années, bien avant ceux des grands fauves, rhinocéros, buffles et girafes, selon une étude publiée mardi.

Des chercheurs viennent de découvrir au Kenya une nouvelle espèce fossile datant de 28 millions d'années qui semble être une forme de transition entre les hippopotames fossiles les plus anciens connus à ce jour (environ 20 millions d'années) et un groupe de mammifères éteint, celui des anthracothères.

Cette nouvelle espèce fossile a été identifiée par une équipe franco-kenyane à partir de l'étude de dents et de deux mâchoires inférieures, trouvées dans la localité de Lokone Hills dans le bassin du lac Turkana (nord du Kenya).

«Nous avons découvert un représentant inédit de la famille des anthracothères, proposée comme possible origine des hippopotames actuels», a expliqué à l'AFP Fabrice Lihoreau, paléontologue à l'Université de Montpellier (France).

Cet anthracothère était un mammifère herbivore d'une centaine de kilos, «de la taille d'un gros mouton». Il était vingt fois plus petit que l'hippopotame amphibie commun. Les terrains fossilifères riches en restes de tortues aquatiques, poissons et crocodiles, indiquent que cette espèce vivait près d'un grand lac.

La nouvelle espèce a été baptisée «Epirigenys lokonensis», d'après le mot «epiri» signifiant hippopotame en langue Turkana, et la localité de découverte, Lokone.

L'étude publiée mardi dans la revue britannique Nature Communications permet de lever un coin du voile sur l'origine des hippopotames, restée mystérieuse, faute de fossiles en nombre suffisant.

«Nos recherches montrent que les hippopotames sont bien issus des anthracothères. De plus, la branche menant à eux est dorénavant identifiée en Afrique il y a 28 millions d'années», déclare Fabrice Lihoreau.

«L'hippopotame est un vrai Africain. Il serait issu d'une branche ayant évolué indépendamment en Afrique, continent qui a été isolé des autres entre 110 et 18 millions d'années», car il était entouré d'eau, selon le chercheur.

Les anthracothères qui ont rejoint l'Afrique il y a environ 35 millions d'années «devaient déjà être adaptés à un mode de vie aquatique et sont vraisemblablement arrivés en nageant», avance ce paléontologue.

La plupart des icônes de la faune africaine (lions, léopards, rhinocéros, girafes, zèbres...) ne sont arrivées en Afrique que lorsqu'elle est sortie de son isolement il y a 18 millions d'années.

«Énigmatique»

Les anthracothères, désignés ainsi par Cuvier en 1822, sont une grande famille de mammifères herbivores à doigts pairs, dont le plus ancien fossile, identifié en Asie, remonte à 40 millions d'années. Ils ont envahi plusieurs continents, dont l'Europe et l'Afrique. À l'exception des hippopotames, considérés comme les derniers représentants de cette famille, ils auraient disparu il y a 2 millions d'années sur le sous-continent indien.

Les relations de parenté des hippopotames «sont énigmatiques», relève le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), dont plusieurs chercheurs ont participé à l'étude. Pendant longtemps, les paléontologues ont rapproché ces animaux semi-aquatiques, à la morphologie singulière (dents «en trèfle» notamment), du groupe des suoïdes, auquel appartiennent les cochons et les pécaris. Mais dans les années 1990 et 2000, la comparaison des génomes (ADN) a fait des cétacés (baleines, dauphins) les plus proches parents actuels des hippopotames. Un ancêtre des baleines avait d'ailleurs des pattes...

Les travaux menés par les chercheurs en comparant les morphologies dentaires confirment que les hippopotames ne s'apparentent pas aux cochons.

Ils permettent de «combler la lacune fossile» séparant ces animaux des cétacés, souligne le CNRS dans un communiqué. Les plus anciens anthracothères remontent à environ 40 millions d'années alors que les plus vieux fossiles de cétacés ont 53 millions d'années.

Mais reste toujours à trouver l'ancêtre commun aux cétacés et aux hippopotames...