Etre ou ne pas être? Pour le boson de Higgs, insaisissable particule que les physiciens cherchent à piéger depuis des décennies, cette question, au coeur de la théorie de la matière, sera tranchée d'ici fin 2012, a assuré lundi le patron du CERN Rolf Heuer.

Au LHC, puissant accélérateur de particules du Cern près de Genève, les physiciens tentent de trouver, au fil des collisions, des signes annonciateurs du Higgs, chaînon manquant qui leur permettrait de valider le «Modèle standard», théorie de la structure fondamentale de la matière élaborée voici près de quarante ans.

«Nous savons tout à propos du boson de Higgs, sauf s'il existe», a relevé  M. Heuer, en présentant lundi lors d'une conférence de presse les derniers résultats du LHC, lancé comme le Fermilab de Chicago dans une course pour détecter le fameux boson.

«Lors des deux expériences, il y a d'intrigantes fluctuations», possible signes avant-coureurs d'une découverte, a résumé M. Heuer, évoquant une «période excitante» pour les physiciens des particules réunis en congrès à Grenoble. Mais «il faut être très prudent», insiste-t-il.

Au coeur du plus puissant accélérateur de particules au monde, le nombre de collisions «a été multiplié par vingt entre l'an dernier et cette année», a souligné le directeur général du Cern, rappelant que le LHC n'en est qu'à ses «débuts».

«question shakespearienne»

Ce «Grand collisionneur de hadrons» où des faisceaux de protons circulent en sens opposé dans un anneau de 27 km, avait redémarré en 2009, après un problème survenu peu après son inauguration à l'automne 2008.

D'ici la fin 2012, le nombre de collisions doit encore être multiplié par dix, donnant une puissance statistique suffisante pour une découverte.

«Pour le boson, la question shakespearienne, être ou ne pas être, pourra être tranchée à la fin de l'an prochain», laisse espérer le patron du Cern.

«Si on trouve le boson de Higgs, le Modèle standard sera complet. Si on ne le trouve pas, le Modèle standard aura un problème», mais dans un cas comme dans l'autre, il s'agira de «découvertes».

Le physicien britannique Peter Higgs avait postulé en 1964 l'existence du boson portant son nom afin de donner leur masse aux autres particules. Il entraverait leur mouvement, comme si ces particules étaient engluées dans son champ.

L'absence de boson de Higgs constituerait «un grand trou» dans la théorie, qu'il faudrait «remplir», une tâche qui incomberait au LHC, une machine capable de conduire les physiciens «en territoire inconnu», selon M. Heuer.

Car les physiciens s'attendent déjà à dépasser le cadre du Modèle Standard, qui pourrait toutefois rester valable comme une «approximation» pour les basses énergies. Ainsi, a relevé M. Heuer, la physique de Newton continue de s'appliquer à basse vitesse, alors que la relativité d'Eintein est indispensable pour les grandes.

Matière noire, énergie noire, antimatière, nouvelles particules «supersymétriques»... De nombreuses énigmes restent à résoudre par les physiciens au-delà de la quête du boson de Higgs.

Soleil, étoiles, planètes, galaxies, la matière visible détectée ne représente que 4 à 5% de l'univers. La matière noire et l'énergie sombre, de nature inconnue, forment le reste.

De quoi est composée la matière noire? Comme l'a rappelé Stavros Katsanevas, spécialiste des astroparticules, les physiciens traquent ses hypothétiques constituants. Dans l'espace, grâce au spectromètre magnétique Alpha 2 (AMS) fixé depuis mai à la station spatiale internationale ou dans des laboratoires souterrains, comme celui de Modane en France.