Quelques minutes après avoir atterri sur Mars lundi, la sonde InSight de la NASA a renvoyé une photo « jolie et sale » de son nouvel environnement. Pourtant, aux yeux des scientifiques, l'image tachée de poussière était une oeuvre d'art.

La photo montrait un terrain essentiellement lisse et sableux autour de la sonde, avec un seul rocher de grande taille visible.

« Je suis vraiment très heureux qu'il semble que nous ayons un lieu d'atterrissage incroyablement sûr et ennuyeux, a déclaré le chef de projet Tom Hoffman après l'amarrissage de lundi. C'est exactement ce que nous recherchions. »

Une meilleure image est arrivée quelques heures plus tard et on en attend d'autres dans les jours à venir, quand les protecteurs anti-poussière se seront détachés des caméras de l'atterrisseur.

La sonde est arrivée sur Mars après une plongée périlleuse et supersonique de six minutes dans son ciel rouge.

« Atterrissage confirmé ! », a lancé un peu avant 15h, heure locale, un contrôleur de vol. Cela a provoqué une explosion de joie parmi les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory de la NASA à Pasadena, en Californie, qui attendaient dans un silence tendu que le signal ait parcouru 160 millions de kilomètres à travers l'espace.

Il s'agissait du huitième amarrissage réussi de la NASA sur la planète rouge depuis les sondes Viking de 1976, et du premier en six ans. Le robot Curiosity de la NASA, arrivé en 2012, est toujours en mouvement sur Mars.

En raison de la distance qui sépare Terre et Mars, la confirmation a pris huit minutes, relayée par une paire de minuscules satellites qui ont suivi InSight tout au long du voyage de six mois et 482 millions de kilomètres.

« Sans faille, a déclaré Rob Manning, l'ingénieur en chef du JPL. Parfois, les choses se déroulent comme on veut. »

InSight, un projet international d'un milliard de dollars américains, comprend une taupe mécanique allemande qui creusera jusqu'à cinq mètres sous le sol pour mesurer la chaleur interne de Mars. L'atterrisseur dispose également d'un sismomètre français pour mesurer les « tremblements de Mars », s'ils existent chez notre voisin plus petit et géologiquement plus calme. Une autre expérience calculera l'oscillation de Mars pour révéler la composition du noyau de la planète.

Tard lundi, la NASA a annoncé que les panneaux solaires vitaux du satellite étaient ouverts et rechargeaient ses batteries.

Au cours des prochains « sols » - ou journées martiennes de 24 heures, 39 minutes et demie -, les contrôleurs de vol évalueront l'état de santé du bras robotisé d'InSight et de ses instruments scientifiques. Il faudra des mois pour configurer et ajuster les instruments, et le scientifique principal Bruce Banerdt a prévenu qu'il ne s'attendait pas à recevoir un flux de données solides avant la fin du printemps prochain.

M. Banerdt a déclaré que le premier cliché d'InSight sera nettoyé et les points noirs disparaîtront. Cette photo provenait d'une caméra basse sur l'atterrisseur. Tard lundi, la NASA a publié une photo nette prise par une caméra supérieure montrant une partie de l'atterrisseur et du paysage.

La sonde de 360 kilogrammes est immobile et fonctionnera au même endroit pendant les deux prochaines années, soit la durée d'une année martienne.

« Dans les mois et les années à venir, les livres d'histoire seront réécrits sur l'intérieur de Mars », a prédit le directeur de JPL, Michael Watkins.

La NASA a opté cette fois pour une approche simple et directe, utilisant un parachute et des moteurs de freinage pour faire passer la vitesse de InSight de 19 800 kilomètres/heure lorsqu'elle est entrée dans l'atmosphère martienne, à environ 115 kilomètres d'altitude, jusqu'à 8 kilomètres/heure au moment de l'amarrissage. Le danger était que l'engin spatial puisse se désintégrer dans l'atmosphère ou rebondir en le frappant.

De nombreux engins spatiaux à destination de Mars lancés par les États-Unis, la Russie et d'autres pays ont été perdus ou détruits au fil des ans ; le taux de réussite est de seulement 40 %, sans compter InSight.

La sonde à trois pattes s'est installée du côté ouest de la plaine d'Elysium, que visait la NASA.

Les musées, les planétariums et les bibliothèques des États-Unis avaient organisé des soirées d'observation pour suivre le déroulement des événements au JPL. La couverture de la NASA TV a également été retransmise sur l'écran géant de Times Square, à New York, où la foule se blottissait sous la pluie.

« Quelle journée extraordinaire pour notre pays », a déclaré Jim Bridenstine, qui présidait son premier atterrissage sur Mars en tant que patron de la NASA.

L'intérieur bien préservé de Mars fournira un cliché instantané de ce à quoi la Terre pourrait avoir ressemblé après sa formation il y a environ 4,5 milliards d'années, selon M. Banerdt. Alors que la Terre est sismique, Mars a « décidé de se reposer sur ses lauriers » après sa formation, a-t-il expliqué.

En examinant et en cartographiant l'intérieur de Mars, les scientifiques espèrent comprendre pourquoi les planètes rocheuses de notre système solaire sont si différentes et pourquoi la Terre est devenue un refuge pour la vie.

Malgré tout, il n'y a pas de détecteurs de vie à bord d'InSight. La prochaine mission de la NASA, le rover Mars 2020, partira à la recherche de roches pouvant contenir des traces de vie anciennes. La question de savoir si la vie a jamais existé dans le passé mouillé et humide de Mars est ce qui ramène la NASA vers elle.

Après l'amarrissage d'InSight, les deux satellites expérimentaux ont survolé Mars, leur tâche principale étant terminée. On a pris une dernière photo de la planète rouge que l'ingénieur en chef des satellites, Andy Klesh, a intitulée « Adieu à InSight... adieu à Mars ».