La rencontre entre la comète Tchouri et le Soleil, sous l'oeil de la sonde Rosetta, dans la nuit de mercredi à jeudi, a permis d'enrichir l'abondante moisson de données recueillies par l'orbiteur européen, qui aideront à mieux comprendre l'apparition de la vie sur Terre.

La comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko a atteint son périhélie, c'est-à-dire le point sur son orbite qui est le plus proche du Soleil, à 23h03 hier (HE).

Selon des images prises par la caméra de navigation NavCam de la sonde, la comète s'est montrée «bien active» pendant la nuit, a indiqué à l'AFP Sylvain Lodiot, responsable des opérations de Rosetta à l'ESOC (Centre européen d'opérations spatiales) en Allemagne. «Il y a des jets de gaz et de poussières un peu de partout», a-t-il dit.

L'autre caméra de Rosetta, Osiris, a pris elle aussi des images spectaculaires de la comète en plein dégazage. Elles ont été dévoilées par l'Agence spatiale européenne (ESA) jeudi après-midi.

La comète, qui est constituée de glace, de minéraux et de particules organiques, se trouvait alors à 186 millions de km du Soleil et à 265 millions de km de la Terre.

La sonde européenne Rosetta a assisté au spectacle à une distance prudente de 330 kilomètres. Il fallait en effet que ses capteurs d'étoiles, qui lui permettent de s'orienter, ne soient pas perturbés par les débris et poussières qui s'échappent de plus en plus de la comète en raison de la proximité du Soleil.

Tous les instruments de la sonde étaient actifs pour prendre des images, capturer des grains de poussière, humer les gaz.

En revanche, le petit robot Philae, hébergé depuis neuf mois sur la comète, et pas très en forme, ne pouvait que rester muet, la sonde se trouvant trop loin de lui pour établir une communication.

«Rosetta est en parfait état de marche», a souligné M. Lodiot. «Elle continue son périple» avec la comète qui s'éloigne dorénavant du Soleil.

À chaque passage près du Soleil tous les 6 ans et demi, la petite comète perd plusieurs dizaines de centimètres.

Des grains qui ont pu ensemencer les océans

«Comme il y a un effet retard, le maximum d'activité de la comète aura lieu probablement un peu après le passage au périhélie», a déclaré Jean-Yves Le Gall, président du CNES, l'agence spatiale française, interrogé par l'AFP.

«Rosetta est aux aguets. Nous recevons des données extraordinaires. La moisson continue», a-t-il ajouté.

L'objectif de la mission, lancée il y a plus de 20 ans, est de mieux comprendre l'évolution du système solaire depuis sa naissance il y a 4,6 milliards d'années, les comètes étant considérées comme des vestiges de la matière primitive.

La mission Rosetta a permis de constater que «la comète n'est pas essentiellement un bloc fait à 80% de glace et qui aurait piégé tout le reste», contrairement à ce que l'on pensait auparavant, a expliqué sur la radio France Inter l'universitaire français Jean-Pierre Bibring, responsable scientifique de Philae.

«L'essentiel de la matière cométaire est fait de grains organiques de grande dimension», pouvant atteindre plusieurs millimètres et constitués de macromolécules très complexes faites de carbone et d'azote, a-t-il ajouté.

«Ce sont ces grains qui ont eu la capacité de voyager et éventuellement d'ensemencer les océans» terrestres, a-t-il dit.

Avec Rosetta et Philae, «nous sommes convaincus d'avoir devant nous le matériau à partir duquel, une fois les océans ensemencés, la vie a pu émerger» sur Terre, a-t-il assuré.

«Toutes les molécules organiques nécessaires à l'apparition de la vie sont présentes sur 67P», relève Nicolas Altobelli, planétologue à l'Agence spatiale européenne (ESA), interrogé par l'AFP.

L'aventure de Rosetta, qui voyage depuis plus de onze ans dans l'espace, devrait se terminer en septembre 2016. À cette date, l'ESA a prévu de la faire se «poser» le moins rudement possible sur Tchouri où elle retrouvera Philae qui sera alors endormi depuis longtemps.