Mars One dévoile aujourd'hui la liste des 100 candidats en lice pour un aller simple vers la planète rouge. Au-delà du battage médiatique, des experts clament que le plan de l'entreprise est truffé d'énormes problèmes. Voici cinq raisons pour lesquelles ceux qui sont choisis aujourd'hui pourraient ne jamais partir... ou regretter leur départ.

L'argent

L'entreprise Mars One affirme pouvoir envoyer quatre êtres humains sur Mars d'ici 2024 avec un budget 6 milliards US. L'an dernier, en comparaison, un groupe d'experts avait estimé qu'une mission humaine vers Mars de la NASA coûterait de 80 à 100 milliards US.

Mars One explique ses coûts moindres par le fait qu'elle sous-contractera aux entreprises privées la conception des équipements nécessaires à son projet.

«J'estime que ces gens n'auront pas l'argent nécessaire à un tel projet. Je ne les prends pas très au sérieux, honnêtement», a lancé à La Presse John Logsdon, expert des programmes spatiaux à la George Washington University.

À 6 milliards US, la conquête de Mars ne serait guère plus onéreuse que la construction du nouveau pont Champlain (jusqu'à 4 milliards US).

La technologie

L'une des grandes prétentions de Mars One est qu'elle pourra réaliser sa mission au moyen de «technologies qui peuvent être achetées à des fournisseurs actuels», sans en développer de nouvelles.

Cette thèse a été rejetée en bloc par tous les experts consultés par La Presse.

«On n'est pas prêts, sur le plan technologique, à aller sur Mars, tranche Richard Léveillé, qui a déjà été rattaché à l'Agence spatiale canadienne et qui est aujourd'hui chercheur associé à l'Université McGill. Ce genre de mission implique de lancer des programmes entiers de développement.»

Les contrats

La journaliste australienne Elmo Keep a passé un an à fouiller les dessous de Mars One. Selon elle, cette entreprise, qui planifie à n'en pas douter la mission spatiale la plus ambitieuse de l'histoire, ne compte que... trois employés.

Mars One dit vouloir sous-contracter la conception de ses systèmes. Sauf qu'en épluchant la liste des fournisseurs mentionnés par Mars One, Mme Keep a découvert que la plupart n'avaient jamais signé la moindre entente. Lockheed Martin a réalisé des travaux préliminaires détaillant les spécifications techniques d'un véhicule non habité.

«Nous maintenons les canaux de communication ouverts avec Mars One et attendons un signal pour la prochaine phase du programme», a expliqué à La Presse Gary Napier, porte-parole de Lockheed Martin.

Le seul autre contrat technique semble le lier à Paragon Space Development, chargé des combinaisons pour les astronautes.

L'oxygène

Mars One prévoit faire pousser des plantes pour nourrir les astronautes dans l'unité où ils vivront. Or, l'équipe de Sydney Do, du MIT, a calculé que cette façon de faire conduirait à la mort par suffocation des astronautes au bout de 68 jours. La cause, complexe, est liée au rejet trop élevé d'oxygène par les plantes.

Selon M. Do, il est possible de régler le problème en construisant une autre unité pour les plantes, mais cela demandera de transporter d'énormes quantités de systèmes supplémentaires. De façon générale, les chercheurs du MIT calculent que l'implantation d'une colonie permanente sur Mars nécessitera des envois de pièces «qui prendront des proportions ingérables» et feront exploser les coûts de lancement.

Les participants

Se rendre sur Mars et y vivre constituerait la mission spatiale la plus exigeante lancée par des êtres humains. Or, ceux qui l'accompliront ne sont pas des astronautes professionnels, mais des gens choisis parmi le grand public.

«C'est une dimension inquiétante du projet», croit Richard Léveillé, de McGill, qui souligne que la formation, les expertises diverses et la capacité de résistance au stress des astronautes ne se retrouvent pas chez n'importe qui.

Ce serait aussi la première fois que des gens quitteraient la Terre sans espoir de la revoir un jour.