Les premiers tours de roue et les premières photos du véhicule d'exploration envoyé par Pékin sur la Lune remplissaient lundi de fierté la Chine, les autorités promettant d'autres grands moments de conquête spatiale.

Le pays le plus peuplé du monde a réussi ce week-end deux exploits technologiques à quelques heures d'intervalle, en faisant alunir sa sonde Chang'e-3, puis en débarquant un «rover» tout-terrain, désormais à pied d'oeuvre.

Baptisé «Lapin de jade», l'engin mobile affiche bien visiblement sur son flanc le drapeau rouge de la République populaire.

Il a déployé ses panneaux solaires dans la «Baie des arcs-en-ciel», un territoire lunaire bien ensoleillé et encore inexploré.

Le véhicule téléguidé, conçu pour résister à des écarts de température de 300 degrés Celsius, a pris un cliché du module atterrisseur de Chang'e-3, campé sur ses quatre pieds télescopiques.

Ce module est parvenu samedi soir à se poser sur le satellite de la Terre, après avoir actionné ses rétrofusées pour décélérer. Un événement diffusé en direct à la télévision, à renfort d'images de synthèse.

Le précédent alunissage en douceur remontait à la mission soviétique Luna 24, en août 1976, il y a plus de 37 ans.

L'atterrisseur a de son côté pris en photo le Lapin de jade, dont le nom fait référence à la mythologie chinoise.

En se félicitant du «succès total» de la mission Chang'e-3, l'ensemble des médias officiels chinois publiaient lundi ces premiers clichés. On y voit notamment les empreintes laissées sur le sol lunaire par les six roues du véhicule.

«La portée de cette mission lunaire va au-delà de tout ce que l'on pouvait imaginer», a assuré le journal China Daily, dans un éditorial titré «Fantastique mission lunaire».

«Étant donné l'augmentation rapide de la population mondiale et l'épuisement de nombreuses ressources, les percées dans l'exploration spatiale et l'utilisation pacifique des ressources sur la Lune ou sur Mars pourraient être l'option à choisir par l'humanité», a ajouté le quotidien.

La mission Chang'e-3, source de fierté nationale, continuait à animer les forums de discussion des réseaux sociaux. «Le mythe est devenu réalité!», a réagi lundi un internaute. «Le made in China s'exporte jusqu'à la Lune!», s'est félicité un autre.

Dimanche soir, le numéro un chinois Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang se sont déplacés au Centre de contrôle spatial de Pékin, où a été formellement annoncé le «succès total» de la mission Chang'e-3.

Les plus hautes autorités communistes --Comité central du Parti, Conseil des Affaires de l'État (gouvernement) et Commission militaire centrale-- y sont allées de leurs louanges, en célébrant la «nouvelle gloire du peuple chinois» et la «brillante contribution de la nation chinoise à l'humanité tout entière».

La conquête de l'espace, coordonnée par l'état-major militaire, est perçue en Chine comme un symbole de la nouvelle puissance du pays sous l'égide du parti unique. Un thème fédérateur pour le «rêve chinois», le slogan fondateur de la politique du président Xi Jinping.

L'agence de presse officielle Chine nouvelle a de son côté annoncé lundi le lancement pour 2017 de Chang'e-5, la cinquième mission lunaire chinoise. Le lancement de Chang'e-4 est déjà prévu en 2015.

Après les sondes lunaires Chang'e-1 (octobre 2007), Chang'e-2 (octobre 2010), Chang'e-3 (décembre 2013), Pékin confirme donc que son ambition lunaire s'inscrit dans un programme strictement planifié, comme l'ont fait bien avant les Américains et les Soviétiques.

«Le programme lunaire chinois se déroule au rythme prévu sans qu'il y ait de rupture», a expliqué à l'AFP Isabelle Sourbès-Verger, spécialiste du programme spatial chinois au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

La Chine rêve d'être le premier pays asiatique à envoyer un homme sur la Lune, probablement après 2025. Mais elle progresse à grandes enjambées dans d'autres programmes vers les étoiles, notamment pour se doter d'une station orbitale permanente.

Le «Lapin de jade» effectuera des analyses scientifiques du sol lunaire et des observations par télescope. Il sera opérationnel trois mois, pendant lesquels il se déplacera à une vitesse maximale de 200 mètres par heure.