Avec la légalisation du cannabis à nos portes, les producteurs doivent maintenant savoir exactement ce que contient le pot qu'ils vendront bientôt aux consommateurs. Quelle est sa concentration exacte en THC ? Contient-il des pesticides, des bactéries, des champignons ? Et qu'en est-il des terpènes, ces molécules volatiles qui donnent ses arômes au cannabis ? Le Laboratoire PhytoChemia, à Saguenay, est l'un des rares labos au Québec à être autorisé à tester cette drogue. La Presse a profité du congrès de l'ACFAS pour en visiter les coulisses.

Le chimiste Dany Massé exhibe trois « cocottes » de pot laissées par un client. Sa mission : déterminer exactement ce que contiennent ces fleurs de cannabis. À cette fin, M. Massé les broie d'abord en une fine poudre afin d'obtenir un produit homogène. Cette poudre est ensuite mélangée dans un solvant pour en extraire les différents composés. Il en résulte un liquide vert vif qui dégage des arômes si puissants qu'ils gagnent l'ensemble du laboratoire.

« Là-dedans, on a tous les cannabinoïdes qu'il y avait dans la plante. Et si c'est si vert, c'est parce que j'ai aussi extrait la chlorophylle. » - Le chimiste Dany Massé, du Laboratoire PhytoChemia

Le liquide est ensuite versé dans de minuscules fioles, puis envoyé dans une machine toute neuve appelée « chromatographe en phase liquide ». Sur un écran, des pics apparaissent. Chacun d'entre eux correspond à des substances actives du cannabis, qu'on appelle les cannabinoïdes. THC, CDN, CBN, alouette : la grosseur des pics donne la concentration de chacun des ingrédients. C'est ainsi qu'un producteur peut connaître la concentration exacte de THC - la principale substance qui « gèle » - de sa plante.

GOÛT ET ODEUR

« J'ai vu des concentrations allant de 0 à 20 % », explique Dany Massé. Le chimiste fournira aussi au producteur ce qu'on appelle un « profil de terpènes ». Il s'agit des différents composés volatils - pinède, limonène, linalol, myrcène - qui donnent son goût et son odeur au pot. Pas moins de 257 d'entre eux ont été identifiés jusqu'à maintenant. Certains sentent le sapin et d'autres, le citron. Et les producteurs veulent savoir lesquels se trouvent dans leurs produits.

Grâce à une autre machine qui fait ce qu'on appelle de la spectroscopie de masse, les chimistes peuvent aussi détecter les traces de 96 pesticides différents qui pourraient se trouver dans l'échantillon et qui seront interdits lorsque le pot sera vendu au public. Quatre métaux lourds - mercure, plomb, arsenic et cadmium -, des champignons et des bactéries comme la salmonelle et E. coli peuvent aussi être détectés dans le laboratoire.

« On reçoit de deux à trois échantillons par semaine, de partout au Canada. » - Le chimiste Dany Massé, du Laboratoire PhytoChemia

PhytoChemia, fondée par trois étudiants de l'Université du Québec à Chicoutimi, surfe sur la légalisation qui est imminente au Canada. La boîte compte 12 employés et mène ses activités selon des règles strictes. Hubert Marceau, l'un des trois cofondateurs, explique que seuls les individus et les entreprises qui possèdent un permis de Santé Canada peuvent y faire tester leurs produits.

« AU GRAMME PRÈS »

« Ici, tout est régi au gramme près. On a un formulaire et on indique ce qui rentre et ce qui sort. Le registre est très strict », explique Dany Massé. Et pas question pour PhytoChemia de jouer les conseillers en cannabis.

« On a souvent des clients qui nous demandent : "Quel effet va faire mon pot ?", raconte Dany Massé. On lui répond qu'on est des chimistes, pas des médecins ni des biologistes. On ne le sait pas. Notre job est de dire ce qu'il y a dans le pot. Point. »

Photo Jeannot Lévesque, Le Quotidien

À Saguenay, le Laboratoire PhytoChemia est l'un des rares au Québec à être autorisé à tester des échantillons de cannabis.

Photo Jeannot Lévesque, Le Quotidien

« On reçoit de deux à trois échantillons par semaine, de partout au Canada », affirme le chimiste Dany Massé.