La théorie de la relativité générale d'Albert Einstein qui a bouleversé notre compréhension de l'Univers et de ses phénomènes les plus exotiques, célèbre son centenaire cette année sans prendre une ride alors qu'aucune des nombreuses expériences pour la vérifier n'a encore révélé de faille.

« Einstein a changé notre perception des choses les plus fondamentales que sont l'espace et le temps, ouvrant nos yeux sur le cosmos et certains de ses objets les plus intéressants comme les trous noirs », explique à l'AFP, David Kaiser, professeur de physique et d'histoire de la science au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Le célèbre physicien qui a passé les dernières années de sa vie à l'Université de Princeton, dans l'est des États-Unis, avait présenté sa théorie le 25 novembre 1915 devant l'Académie prussienne des sciences. Le document a été publié en mars 1916 dans la revue Annalen Der Physik.

La relativité générale, l'une des théories scientifiques les plus révolutionnaires de l'histoire a représenté un immense saut par rapport à la loi universelle de la gravitation d'Isaac Newton en 1687 en montrant que « l'espace et le temps ne sont pas immuables mais des phénomènes dynamiques soumis à une évolution comme les autres processus de l'Univers », relève Michael Turner, professeur de physique et de cosmologie à l'Université de Chicago.

Einstein avait avancé la théorie de la relativité restreinte dès 1905 décrivant alors la distorsion du temps et de l'espace par un objet avançant à une vitesse proche de celle de la lumière, qui elle est immuable. Il avait aussi produit sa célèbre équation E=mc2 qui remettait en cause les hypothèses d'alors, selon lesquelles l'énergie et la masse étaient distinctes. Il avait démontré qu'il s'agit de la même chose sous des formes différentes.

Précurseur du GPS 

Dix ans plus tard, la relativité générale offre une vision plus large en expliquant que la gravité est une courbure dans la fabrique du temps et de l'espace en présence d'une masse. Ainsi le temps s'écoule plus lentement à proximité d'un champ gravitationnel puissant comme celui d'une planète, que dans le vide de l'espace.

Ce corollaire a été vérifié en comparant deux horloges atomiques, dont l'une était sur la Terre et l'autre dans un avion à haute altitude où elle a accusé un léger retard. Le GPS est une application de ce phénomène. Les satellites ont des horloges extrêmement précises ajustées pour prendre en compte ce décalage de temps, sinon le GPS ne pourrait fonctionner.

Selon la théorie de la relativité générale, la lumière est aussi courbée par des champs gravitationnels puissants, ce que l'astronome britannique Arthur Eddington a confirmé par ses observations en 1919.

Einstein a aussi prédit que des étoiles en fin de vie ayant épuisé leur combustible nucléaire s'effondrent sous leur propre gravité. Leur enveloppe externe explose dans une supernova tandis que leur coeur forme un objet très dense appelés « étoile à neutrons » ou « pulsar » qui tourne très rapidement sur lui-même. Elles peuvent aussi se transformer en trou noir, dont le gigantesque champ gravitationnel courbe tellement l'espace que la lumière ne peut s'en échapper.

Selon Einstein, ces corps célestes, vu leur masse, devraient provoquer des ondulations dans l'espace-temps, comme une pierre fait des vagues dans l'eau.

Ce sont ces ondes gravitationnelles que les astronomes espèrent observer directement, dit le professeur Kaiser. « Cela confirmerait l'une des dernières grandes prédictions d'Einstein qui n'a pas encore été vérifiée », ajoute-t-il.

Des instruments construits à cette fin, le LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) aux États-Unis et le VIRGO, en Europe, devraient dans les prochaines années pouvoir détecter ces ondes, estime le scientifique.

Théorie des cordes

Mais l'énorme défi est de réconcilier la théorie de la relativité générale et la physique quantique, les deux grands piliers de la physique moderne. La physique quantique, contrairement à la relativité, fonctionne parfaitement pour décrire les phénomènes au niveau atomique avec de nombreuses applications, du transistor aux ordinateurs, mais pas à l'échelle de l'univers.

Pour le professeur Turner, la théorie la plus en vue pour une telle réconciliation est celle dite des cordes, selon laquelle les particules ne seraient pas les briques fondamentales de la matière, mais des sortes de cordelettes élastiques vibrant à différentes fréquences.

« Cette théorie pourrait éventuellement répondre à la question fondamentale de la nature du temps et de l'espace [...] et suggère l'existence possible d'autres dimensions », a-t-il expliqué à l'AFP.

Selon lui, « la théorie des cordes est comme un grand panier vide dans lequel on peut mettre ses espoirs et ses rêves » alors que « nous sommes prêts pour la prochaine étape, le prochain Einstein ».