C'est petit bout par petit bout, avec des moyens dignes d'une enquête médico-légale, que des scientifiques appuyés par des historiens ont authentifié la tête du roi de France Henri IV, retrouvée après des siècles de pérégrinations chez un couple de retraités.



Premier souverain de la dynastie des Bourbon, ancien chef du parti huguenot, Henri de Navarre s'est converti au catholicisme pour devenir Henri IV de France et a signé en 1598 l'Edit de Nantes, qui reconnaît la liberté de culte aux protestants.

Célébré pour avoir pacifié un royaume déchiré par près de quarante années de guerre civile et religieuse, Henri IV a été assassiné en 1610 par un fanatique catholique, François Ravaillac.

Sa tête avait été séparée de son corps en 1793, sous la Révolution française, au moment de la profanation de la basilique de Saint-Denis, la nécropole des rois de France au nord de Paris.

Les corps, sortis des cercueils, ont été jetés dans une fosse commune. Une «véritable foire aux reliques» s'en est suivie et «chacun s'est servi», a raconté Jean-Pierre Babelon, historien spécialiste d'Henri IV.

La tête royale n'est réapparue qu'au XIXe siècle dans la collection privée d'un comte allemand, puis en 1919 à l'occasion d'une vente aux enchères à l'Hôtel Drouot de Paris. Un antiquaire breton l'a alors achetée pour la modique somme de trois francs.

Après sa mort, la relique a été acquise par le couple de retraités chez lesquels deux journalistes, Stéphane Gabet et Pierre Belet, en ont retrouvé la trace en 2008. Le couple a alors accepté de confier la tête à la science pour l'authentifier, une enquête validée mercredi par le prestigieux British Medical Journal et qui a duré six mois.

«Une enquête médico-légale à part entière» a été menée «avec froideur et pragmatisme» malgré les obstacles, notamment des tests ADN de la tête momifiée, trop détériorée pour que cet examen puisse être exploité, a expliqué jeudi à la presse à Paris Philippe Charlier, 33 ans, médecin légiste qui a dirigé une équipe de 20 spécialistes français, danois, italiens et américains.

Une datation au carbone 14 a d'abord permis d'établir une période comprise entre 1450 et 1650, a expliqué le Dr Charlier.

Correspondances anatomiques (âge, sexe, cicatrice, nevus à l'aile du nez, trou de boucle d'oreille), analyses toxicologiques, scanners, superpositions faciales...ont été systématiquement recoupés par des recherches historiques.

Le roi, mort à 57 ans, avait perdu presque toutes ses dents. Il avait un début de cataracte, de l'arthrose, une cicatrice osseuse due à une blessure à l'arme blanche après une tentative de meurtre en 1594.

Scientifiques et historiens, qui ont travaillé bénévolement, sont allés jusqu'à Florence (Italie) pour retrouver le protocole dressé par l'embaumeur du roi, Pierre Pigray.

Cet embaumement dit «à l'italienne» a préservé le cerveau du souverain, dont la tête est assez bien conservée, avec encore des tissus, cheveux et fragments de barbe, selon un document scientifique diffusé avant la conférence de presse.

Le couple de retraités a légué la relique au chef actuel de la maison de Bourbon, Louis de Bourbon duc d'Anjou, qui a annoncé jeudi à la presse qu'il souhaitait la restituer à la nécropole de Saint-Denis.