Le mâle peut fièrement relever la tête : son chromosome n'est pas si rabougri, en fin de compte.

Depuis quelques années, toutes les blagues avaient circulé à son effet : le chromosome Y, celui qui distingue le mâle de la femelle était «dégénéré». Tout petit par rapport au chromosome X, il donnait tout à fait l'impression d'une portion du code génétique qui s'acheminait lentement vers l'extinction.

Et puis, voilà qu'arrive le premier séquençage complet du chromosome Y du chimpanzé, et un soupir de soulagement s'est fait entendre depuis deux semaines. L'Y de notre cousin et le nôtre sont «terriblement différents» l'un de l'autre, déclare dans Nature le généticien David Page, de l'Institut Whitehead à Cambridge, Massachusetts. «C'est comme s'il y avait eu une rénovation spectaculaire ou une réinvention du chromosome Y.» Ouf, ça fait du bien. Tellement de bien, que les manchettes sont tombées dans l'autre extrême : l'homme évolue plus vite que la femme, titre (erronément) un journal californien.

Revenons au début. La paire de chromosomes sexuels, connue par les lettres X et Y - XX si vous êtes femelle, XY si vous êtes mâle, de quelque espèce animale que ce soit - aurait évolué il y a entre 200 et 300 millions d'années. Étant donné que les lignées du chimpanzé et de l'humain ont divergé il y a seulement 6 à 7 millions d'années, on s'attendrait à ce que peu de changements aient eu le temps de se produire : c'est ce qui explique que l'humain et le chimpanzé ne diffèrent que par 2 % de leurs génomes.

Mais 2 %, c'était pour le génome en général. Or, les comparaisons publiées jusqu'ici excluaient une bonne partie du chromosome Y, en raison de sa complexité. L'équipe de David Page et Jennifer Hughes a publié dans l'édition en ligne du 13 janvier de Nature la première version complète de l'Y du chimpanzé. Et surprise! Les différences bondissent à 30 %.

Certes, il y a beaucoup de gènes tombés en désuétude ou « dégénérés », comme les observations précédentes l'avaient noté. Mais c'est le réarrangement des gènes qui étonne. Plus de 30 % du chromosome du chimpanzé n'est pas « aligné » de la même façon que chez nous, comme si l'évolution avait compensé la dégénérescence par un nouveau mécanisme, que l'on saisit encore mal.

«La sélection naturelle, explique David Page, façonne l'Y et le garde indispensable à un degré qui est en opposition avec l'idée des 50 dernières années d'un chromosome Y rabougri.»

Cela signifie une évolution rapide au cours des 6 ou 7 derniers millions d'années, ce qui ne devrait pas nous surprendre, considérant qu'il existe tout de même de menues différences entre le chimpanzé et nous. Mais lorsqu'on avait commencé à séquencer le génome du chimpanzé, il y a huit ans, ce n'est pas là qu'on s'était attendu à trouver des différences puisque, explique Page, le gros du travail de l'Y consiste à produire les spermatozoïdes :

«Lorsque nous séquencions le génome du chimpanzé, les gens pensaient que nous comprendrions pourquoi nous avons le langage et écrivons de la poésie. Mais une des différences les plus frappantes se trouve à être la production de sperme.»