Un désinfectant mal utilisé peut favoriser le développement de bactéries résistantes à ce produit mais aussi à des antibiotiques auxquels elles n'ont même pas été confrontées, selon une étude réalisée par des chercheurs irlandais.

Pour cette étude, publiée dans la revue Microbiology de janvier, les chercheurs de l'Université nationale d'Irlande à Galway ont ajouté des quantités progressives d'un désinfectant ordinaire, utilisé dans les logements et les hôpitaux, à des cultures de la bactérie Pseudomonas aeruginosa.

Cette bactérie se retrouve souvent dans le matériel hospitalier et est à l'origine d'une infection nosocomiale sur dix.

Les désinfectants sont supposés tuer les bactéries sur des surfaces pour éviter qu'elles ne se propagent. Si la bactérie survit au désinfectant, elle peut se propager à des patients, traités alors aux antibiotiques.

Si le désinfectant a été utilisé en trop faibles quantités, certaines bactéries porteuses d'une mutation génétique sont capables d'y résister et de survivre. Ces bactéries mutées peuvent ensuite prospérer dans des concentrations plus élevées de ce désinfectant : il en faut 400 fois plus pour les tuer.

Ces bactéries deviennent aussi résistantes à la ciprofloxacine, un antibiotique à large spectre dont il faut alors des quantités «jusqu'à dix fois» plus importantes pour la tuer, selon les indications à l'AFP du professeur Gerard Fleming, qui a conduit l'étude.

Antibiotique et désinfectant utilisent le même mécanisme pour entrer dans une bactérie, selon le Pr Fleming. Dans l'expérience, les bactéries laissent entrer le désinfectant et l'antibiotique mais les expulsent tout aussi vite. «C'est comme essayer de pomper de l'air dans une roue de bicyclette avec un gros trou», dit le chercheur.

Si l'on renvoie les nouvelles superbactéries dans un environnement comprenant de faibles doses de désinfectant, comme le plan de travail d'une cuisine, elles survivent mieux que les bactéries ordinaires. «Cela signifie que les résidus des désinfectants mal dilués laissés sur les surfaces dans les hôpitaux peuvent promouvoir la croissance des bactéries résistantes aux antibiotiques», et ce sans même qu'elles y aient été exposées, note le Dr Fleming.

Selon lui «le problème intervient particulièrement quand les désinfectants sont mal utilisés, noyés dans l'eau ou partiellement rincés», avec une concentration très faible qui facilite la prolifération des superbactéries.

«Je ne dis pas de ne pas utiliser de désinfectants» mais bien plutôt «de les utiliser correctement», indique le chercheur.

Des analyses complémentaires seraient requises pour étudier si le même phénomène vaut pour d'autres superbactéries. Pour le Dr Fleming, il faut aussi étudier la possibilité d'utiliser plus d'un type de désinfectant, pour renforcer la ligne de défense contre les infections nosocomiales.