Trouver une maison – abordable – possédant quatre, cinq ou six chambres est un défi colossal. Parlez-en aux parents d’une ribambelle d’enfants, aux familles reconstituées et aux acheteurs qui désirent une pièce supplémentaire pour un bureau de télétravail.

Mère de six enfants, Caroline Brennan est aux prises avec le manque de chambres depuis des années. Dans son ancienne maison, sa progéniture devait cohabiter à deux personnes par chambre. Lorsque les trois plus vieux sont partis, son conjoint et elle ont voulu offrir une chambre individuelle aux trois autres. « On a cherché pendant quatre ans dans le coin de Mirabel, se souvient-elle. Comme on ne trouvait pas, on s’est tannés. On avait besoin d’un changement de vie, alors on a tout vendu et on est partis 18 mois sur la route en vie nomade. »

PHOTO FOURNIE PAR CAROLINE BRENNAN

C’est dans le Bas-Saint-Laurent que Caroline Brennan, son conjoint et trois de leurs enfants ont trouvé leur bonheur.

Au retour, la providence est intervenue, lance-t-elle en rigolant. « Un matin, on a visité une maison, on a fait une offre d’achat à 15 h, elle a été acceptée deux heures plus tard et on déménageait 25 jours après ! »

Direction : le Bas-Saint-Laurent, où les attendait un ancien presbytère avec sept chambres à coucher, six salles de bains et trois salles d’eau. « On a trouvé beaucoup plus que ce qu’on voulait, après avoir élargi le périmètre de notre recherche : on avait carrément décidé de chercher à la grandeur du Québec. »

Trop petit, trop de monde

Il y a six ans, Ann-Julie Huard et sa famille vivaient dans une propriété qui manquait d’espace. « Quand j’ai rencontré mon chum, il avait déjà deux enfants et on en a eu un autre ensemble, explique-t-elle. J’ai vendu mon condo pour déménager dans son petit jumelé qui avait trois chambres. »

Ils ont alors fait preuve de débrouillardise et de souplesse. « On a sacrifié le salon au sous-sol pour installer notre chambre et pour que les enfants aient chacun la leur, ajoute la mère de famille. Et on avait seulement une salle de bains pour cinq. On savait que ça ne tiendrait pas la route. »

Fin 2018, ils sont partis à la recherche d’une maison avec cinq chambres (dont un bureau) et deux salles de bains sur le territoire de Terrebonne pour rester proches de la mère des deux filles en garde partagée.

Leur réalité est celle de plus en plus de ménages. En effet, une famille québécoise sur dix est reconstituée et 20 % des familles composées d’un couple de parents ont trois enfants et plus, selon Statistique Canada.

Marylène Côté-Gaudreault, courtière immobilière chez RE/MAX, rappelle que les maisons à trois chambres sont la norme depuis des décennies. « Et même dans les constructions plus vieilles, quand il y avait plus de chambres, elles n’étaient pas toujours conformes. Aujourd’hui, si on trouve une maison avec au moins quatre chambres, le prix est généralement plus haut que ce qu’un acheteur dans la moyenne peut s’offrir. C’est presque rendu du luxe. »

Sa collègue Corrine Fortin abonde dans le même sens. « Les maisons de quatre, cinq ou six chambres ont toujours été rares, mais avec l’augmentation du prix des propriétés depuis quelques années, elles sont extrêmement chères… si elles sont en bon état », souligne la courtière chez Royal LePage depuis 27 ans.

Une histoire de compromis

Les deux courtières refusent de croire qu’il s’agit de missions impossibles. « On finit toujours par trouver, mais ça prend du temps, et quand un produit se présente, il faut faire vite ! », s’exclame Mme Fortin.

Mme Côté-Gaudreault doit parfois suggérer à ses clients de réévaluer leurs besoins.

À l’époque de nos grands-parents, ils mettaient un bébé dans un tiroir de bureau et c’était correct. Aujourd’hui, on veut un bureau, une chambre d’amis et une chambre pour chaque enfant. Il faut parfois diminuer nos critères pour trouver.

Marylène Côté-Gaudreault, courtière chez RE/MAX

Ou être assez manuel pour finir un sous-sol et diviser une grande chambre, quitte à rapetisser les dimensions de la salle familiale. Certaines familles font également le compromis de mettre deux enfants dans une chambre, alors que d’autres, comme celle de Caroline Brennan, font tout pour éviter la situation. « En plus du nombre de chambres, on voulait un grand jardin, ne plus avoir de voisins proches et goûter à la sainte paix. On l’a trouvée au Bas-Saint-Laurent. »

Prêts pour les travaux

Leur immense presbytère répondait à tous leurs besoins… ou presque. « On voulait une maison avec peu de rénovations, mais celle que nous avons achetée a besoin de beaucoup d’amour pour lui redonner son cachet. Au fond, notre plus grand compromis a été de nous éloigner des trois plus vieux enfants et de notre famille. »

De son côté, Ann-Julie Huard pouvait partir avec toute sa marmaille, mais elle n’arrivait tout simplement pas à trouver la propriété désirée. « Quand on a vendu notre ancienne maison, la prise de possession était le 1er juillet et on n’avait toujours rien trouvé le 25 mai, se rappelle-t-elle. C’est incroyable à quel point c’est difficile à trouver, une maison avec plus de trois chambres ! »

Il faut savoir que le stress de ne pas trouver accentuait une situation de vie déjà bien particulière. « On avait un jeune bébé, je faisais un retour aux études et mon beau-père était aux soins palliatifs, dit Mme Huard. Pour toutes ces raisons, on voulait une maison sans rénovations à faire. »

Ils ont été obligés, eux aussi, de changer leurs attentes. « On a acheté une maison avec cinq chambres dont le toit était à refaire, en plus de la devanture de la maison en agrégat qui augmentait les risques d’infiltration d’eau. Maintenant qu’on l’a, on ne partira pas tant que nos enfants ne quitteront pas la maison. »