Construire le nouvel édifice de HEC Montréal au centre-ville a posé un lot de défis techniques à une équipe d'architectes montréalais. Le résultat ? Un immeuble à la fois élégant, innovateur et économe d’énergie.

La plus ancienne école d’administration au Canada, fondée en 1907, est revenue l’an dernier s’installer tout près de son lieu d’origine. D’abord logée dans un bel édifice de style Beaux-Arts, face au square Viger, elle a déménagé ses classes au moment de son affiliation avec l’Université de Montréal. Une nouvelle école a d’abord été bâtie en 1970 sur les versants du mont Royal, puis une seconde en 1996.

Sa première maison abrite aujourd’hui le centre d’archives montréalais de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

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L’édifice Hélène-Desmarais a été érigé en contrebas de la basilique Saint-Patrick.

Avec l’ajout d’un troisième campus, HEC Montréal a désormais pignon sur rue dans le quartier financier, à deux coins de rue de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Inauguré en septembre dernier, son nouvel édifice, baptisé Hélène-Desmarais, a été érigé sur un lot vacant situé en contrebas de la basilique Saint-Patrick.

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L’édifice Hélène-Desmarais

« L’endroit choisi posait dès le départ plusieurs défis », explique Alain Compéra, chargé de projet et architecte associé chez Provencher_Roy, aux côtés de ses collègues Anne Rouaud et Gerardo Pérez. « Le lot est irrégulier et en forte pente, avec un dénivelé de neuf mètres, soit l’équivalent de deux étages. »

À ces contraintes s’ajoutait l’interdiction de construire au-delà du clocher de la basilique. « C’était une condition de vente imposée par la fabrique Saint-Patrick. Nous devions composer avec cette contrainte de hauteur », affirme Mme Rouaud, architecte et conceptrice principale.

Deux autres soucis architecturaux : tout d’abord, le style éclectique de ce quartier bigarré, où la brique rouge des bâtiments industriels côtoie l’aluminium et le verre des tours de bureaux, ainsi que la pierre grise et les toits de cuivre de la basilique. Et puis, autre pièce du casse-tête : la lumière du jour qui perturbe les activités en classe.

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Alain Compéra, chargé de projet et architecte associé chez Provencher_Roy, Gerardo Pérez, concepteur principal, et Anne Rouaud, architecte et conceptrice principale

« Nous ne pouvions pas placer de fenêtres vers l’extérieur dans les classes pour éviter que le soleil réfléchisse sur les écrans ou nuise aux projections au tableau », précise M. Pérez, lui aussi architecte et concepteur principal chez Provencher_Roy, en laissant planer le spectre d’un bunker de béton.

Faire entrer la lumière

  • Le revêtement de verre a été privilégié par les architectes.

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    Le revêtement de verre a été privilégié par les architectes.

  • L’édifice s’intègre harmonieusement à son environnement.

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    L’édifice s’intègre harmonieusement à son environnement.

  • Il y a plusieurs grandes fenêtres qui permettent aussi de faire passer la lumière.

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    Il y a plusieurs grandes fenêtres qui permettent aussi de faire passer la lumière.

  • Cette installation intitulée Théâtralité contextuelle est l’œuvre du sculpteur québécois Ludovic Boney. Composée de tubes d’aluminium colorés, elle se déploie sur quatre niveaux.

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    Cette installation intitulée Théâtralité contextuelle est l’œuvre du sculpteur québécois Ludovic Boney. Composée de tubes d’aluminium colorés, elle se déploie sur quatre niveaux.

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Face à ces enjeux, les architectes ont d’abord décidé de dessiner un édifice au revêtement de verre pour ne pas défigurer le quartier.

Le verre reflète les façades des bâtiments voisins. Il permet donc à l’immeuble de bien s’intégrer dans la trame. De plus, il lui donne un aspect de légèreté et un style contemporain.

Anne Rouaud, architecte et conceptrice principale

Pas question, toutefois, de recourir aux traditionnels murs-rideaux en raison de leur pauvre performance énergétique. « La valeur isolante du verre est très basse », rappelle M. Pérez avant de dévoiler une innovation montréalaise. « Nous avons donc créé des murs composites, c’est-à-dire des parements de verre placés devant des murs opaques. »

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Des toitures vertes permettent aux voisins d’avoir une vue agréable.

La performance de cette peau de verre est 30 % supérieure à celle exigée par le Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments, soutient-il. Avec l’intégration de la géothermie et la réduction des ouvertures, l’édifice Hélène-Desmarais respecte les critères de certification LEED niveau Or.

Mais comment faire entrer la lumière naturelle, alors ? Les trois architectes ont choisi une voie inhabituelle : faire pénétrer le soleil par le centre de l’édifice et lui frayer un chemin jusqu’aux classes.

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C’est par le centre de l’édifice, grâce à une grande verrière, que pénètre la lumière.

« Une grande verrière surmonte l’édifice. Le soleil peut ainsi traverser tous les étages et descendre jusqu’au rez-de-chaussée », explique Alain Compéra. Les surfaces claires et naturelles des corridors perpendiculaires font le reste du travail en favorisant le voyage de la lumière dans le bâtiment, ajoute-t-il.

Dans une école traditionnelle, les classes éclairées par le soleil sont reliées par des corridors sombres. Ici, c’est l’inverse.

Gerardo Pérez, concepteur principal

Le bâtiment n’est tout de même pas dépourvu de fenêtres. Près du tiers des murs extérieurs sont percés de grandes ouvertures vitrées pour faire baigner de soleil les nombreux espaces de travail disséminés dans l’école. Un motif pointillé, peint à l’intérieur du vitrage, agit comme un pare-soleil et réduit l’effet de la chaleur. « Et, du même coup, on diminue les besoins de climatisation », précise M. Pérez.

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Les fenêtres sont inclinées vers le bas, incitant le regard vers l’extérieur.

Les étudiants ne s’en rendent pas compte, mais les architectes ont incliné des fenêtres vers le bas pour les inciter à regarder à l’extérieur. « La fabrique projette de reconstruire le parvis de l’église pour le relier à un nouveau parc dans la rue De La Gauchetière. Les fenêtres penchent en cette direction », fait remarquer M. Compéra.

Bon voisinage

La contrainte de la hauteur a également obligé les architectes à prendre soin de l’esthétique de la toiture. « Comme l’édifice n’est pas très élevé, les propriétaires voisins craignaient d’avoir une vue plongeante sur de l’équipement mécanique », explique Anne Rouaud.

Une salle mécanique a donc été créée au dernier étage pour camoufler tous les équipements. Des toitures vertes ont aussi été aménagées.

Un détail pour les amoureux de l’histoire : des insertions dans le carrelage du rez-de-chaussée et des allées extérieures rappellent les fondations de l’ancien refuge St. Bridget, érigé sur ce terrain en 1869. Pendant un siècle, des religieuses y ont accueilli les sans-abri avant que le bâtiment soit abandonné et démoli à la fin des années 1970.

« Les objectifs du projet étaient le dynamisme et la légèreté, mais aussi le respect du lieu », résume Anne Rouaud avec le sentiment du devoir accompli.

Dans une version précédente de cet article, les noms de Anne Rouaud et Gerardo Pérez avaient été mal orthographiés. Nos excuses.