(Rafah) La Défense civile de la bande de Gaza a annoncé mardi la mort de 21 personnes dans une frappe israélienne sur un camp de déplacés dans le sud du territoire palestinien, deux jours après un bombardement similaire à Rafah qui a provoqué une indignation internationale.

Après bientôt huit mois d’une guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir à 15 h 15 (heure de l’Est), à la demande de l’Algérie, sur le bombardement de dimanche.

Environ un million de personnes ont déjà fui Rafah depuis trois semaines et le début de l’opération terrestre de l’armée israélienne, selon l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens.

Muhammad Al-Mughair, un responsable de la Défense civile, a indiqué que 21 personnes avaient péri mardi dans une frappe israélienne « visant des tentes de personnes déplacées à l’ouest de Rafah ».  

Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, a également fait état de 64 blessés.

L’armée israélienne a indiqué de son côté ne pas avoir frappé « la zone humanitaire à Al-Mawasi », en référence à une zone qui avait été désignée comme refuge pour les personnes déplacées de Rafah.

PHOTO EYAD BABA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Image du camp de Rafah, dévasté par une frappe israélienne.

Le ministère de la Santé de Gaza a qualifié la frappe de mardi de « nouveau massacre », après le bombardement israélien dimanche soir dans un camp de déplacés du quartier de Tal Al-Sultan, à Rafah, qui avait fait 45 morts et 249 blessés, selon cette même source.

Une opération toujours «  limitée » à Rafah, selon Washington

Les États-Unis estiment toujours que l’opération israélienne à Rafah reste « limitée », deux jours après un bombardement meurtrier dans cette ville du sud de la bande de Gaza qui a provoqué une vague d’indignation internationale, a fait savoir mardi le ministère américain de la Défense.

La Maison-Blanche avait jugé la semaine dernière que l’opération militaire israélienne à Rafah était « ciblée et limitée », mais le président Joe Biden ne s’est pas exprimé sur la frappe de dimanche dans un camp de déplacés, qui a fait 45  morts et 249 blessés selon le ministère de la Santé de Gaza.

« Nous estimons toujours que ce qui se passe à Rafah, ce que fait l’armée israélienne, a une portée limitée », a déclaré Sabrina Singh, porte-parole adjointe du Pentagone, durant un point presse.

« Nous prenons très au sérieux ce qui s’est passé ce week-end. Nous avons tous vu les images, elles sont absolument horribles », a-t-elle ajouté. « Est-ce que nous soutenons ce qui s’est passé ce week-end ? Bien sûr que nous ne voulons pas voir ce genre de morts ».

Interrogée sur la présence de chars israéliens dans le centre-ville de Rafah, selon des témoins, Sabrina Singh a répété : « Rien n’a changé par rapport à ce que j’ai déjà dit. Nous estimons toujours qu’il s’agit d’une opération limitée ».

« Complice »

Toujours à Rafah, un témoin a affirmé mardi avoir vu des chars israéliens déployés dans le centre-ville. D’autres résidants ont affirmé ne plus pouvoir bouger depuis l’arrivée des chars.

« Les gens restent pour l’instant dans leurs maisons, car quiconque bouge est visé par des tirs de drones israéliens », a affirmé un habitant, Abdel Khatib.

À l’heure où les condamnations se multiplient dans le monde face aux opérations militaires israéliennes, l’Espagne, la Norvège et l’Irlande ont reconnu officiellement mardi l’État de Palestine, provoquant la fureur d’Israël qui y voit une récompense pour le Hamas, qui a pris le pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza.

PHOTO VALENTIN RAKOVSKY, AFP

Cartogramme des pays membres des Nations unies reconnaissant l’État de Palestine, au 28 mai 2024.

La guerre a été déclenchée par une attaque menée le 7 octobre sur le sol israélien par des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza, entraînant la mort de plus de 1189 personnes, majoritairement des civils, selon un nouveau décompte réalisé mardi par l’AFP à partir des derniers chiffres officiels disponibles.

Vidéo d’un otage

Sur les 252 personnes emmenées comme otages, 121 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l’armée israélienne.

En représailles, Israël a promis d’anéantir le Hamas et lancé une offensive qui a fait au moins 36 096  morts, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Le Djihad islamique, allié du Hamas, a diffusé mardi la vidéo d’un otage, identifié par les médias israéliens comme étant Sacha Trupanov, un Israélo-russe de 28 ans.

Cette vidéo « est une preuve supplémentaire que le gouvernement israélien doit donner un mandat clair à l’équipe de négociation, qui pourra aboutir à un accord pour le retour de tous les otages », affirme le Forum des familles d’otages en Israël.

Le Qatar, les États-Unis et l’Égypte sont engagés depuis des mois dans des pourparlers visant à obtenir une trêve durable à Gaza, assortie à une libération des otages. Sans avancées. Un média proche des services de renseignement égyptiens a indiqué mardi que l’Égypte « intensifie les efforts » en vue d’une reprise de ces pourparlers.

Avant la frappe de mardi, des correspondants de l’AFP à Rafah et des témoins avaient fait état de bombardements aériens et de tirs d’artillerie nourris dans l’ouest de cette ville frontalière avec l’Égypte. Ils ont vu des centaines de Palestiniens fuir notamment Tal Al-Sultan.

PHOTO JEHAD ALSHRAFI, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens fuient la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, lors d’une offensive terrestre et aérienne israélienne dans la ville.

Cette fuite se déroule « sans aucun endroit sûr où aller, sous les bombardements, sans eau ni nourriture, parmi des montagnes d’ordures », a indiqué l’UNRWA sur X, soulignant que « jour après jour, il devient presque impossible d’apporter assistance et protection » à la population.

« Nous n’avons pas dormi parce qu’il y avait des bombardements de partout », a témoigné Faten Jouda, une femme de 30 ans installée à Tal Al-Sultan, dans le nord-ouest de la ville. « C’était effrayant ».

Fin des évacuations médicales

Les soldats israéliens mènent depuis début mai une opération terrestre à Rafah, affirmant vouloir y éliminer les derniers bataillons du Hamas, qui a entraîné la fermeture du passage frontalier avec l’Égypte, vital pour l’acheminement de l’aide humanitaire.  

PHOTO JEHAD ALSHRAFI, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens déplacés inspectent leurs tentes détruites par les bombardements israéliens, à côté d’une installation de l’UNRWA à l’ouest de la ville de Rafah.

Depuis, « toutes les évacuations médicales ont brusquement cessé », signifiant que davantage de personnes meurent dans l’attente de soins, a déclaré mardi l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La livraison d’aide via la jetée temporaire construite par les États-Unis a en outre été suspendue après que cette installation a été endommagée en raison des conditions météorologiques, selon le département américain de la Défense.

Un correspondant de l’AFP a signalé aussi des bombardements et des tirs à Gaza-ville, dans le nord du territoire. Le ministère de la Santé du Hamas a dénombré au moins 46 morts en 24 heures à travers la bande de Gaza.

PHOTO LEO CORREA, ASSOCIATED PRESS

De la fumée s’élève après une explosion dans la bande de Gaza, vue depuis le sud d’Israël, le mardi 28 mai 2024.

Après la frappe de dimanche, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a regretté « un accident tragique ».  

Les États-Unis se sont déclarés « profondément attristés » par le nombre de Palestiniens tués dans la frappe, et ont dit attendre les résultats de l’enquête israélienne.

L’ONU a aussi demandé une enquête « complète et transparente ».

La Défense civile palestinienne avait fait état de nombreux corps « carbonisés » dans l’incendie qui a ravagé le camp de déplacés de Barkasat, géré par l’UNRWA.

L’armée israélienne a affirmé mardi que ses munitions utilisées dimanche dans la frappe ne pouvaient pas avoir « à elles seules » provoqué l’incendie.