L’armée israélienne poursuit ses bombardements dimanche sur Rafah malgré l’ordre de la Cour internationale de justice (CIJ) d’arrêter immédiatement ses opérations dans cette ville du sud de la bande de Gaza d’où ont fui des centaines de milliers de personnes.

Dans le même temps, des efforts internationaux ont été relancés pour arracher une trêve dans la guerre déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas contre Israël le 7 octobre, et obtenir la libération de plus de 100 otages retenus dans le territoire palestinien.

Un responsable israélien a déclaré samedi que le gouvernement avait l’intention de relancer « cette semaine » les négociations au point mort.

Il n’a pas donné plus de détails, mais des médias israéliens rapportent que le chef du Mossad (services de renseignement israéliens), David Barnea, avait trouvé un accord avec le directeur de la CIA, Bill Burns, et le premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, lors d’une réunion à Paris sur un nouveau cadre pour les négociations.

Un haut responsable du Hamas, Oussama Hamdan, a affirmé à la chaîne Al-Jazeera que le mouvement islamiste n’avait « pas été informé de quoi que ce soit par les médiateurs ». Selon lui, ces déclarations « constituent une tentative israélienne d’échapper aux décisions de la CIJ ».

La CIJ, plus haute juridiction de l’ONU, a aussi ordonné vendredi à Israël de maintenir ouvert le passage de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, essentiel à l’entrée de l’aide humanitaire, mais fermé après le lancement de son opération terrestre début mai.

Les décisions de la CIJ sont juridiquement contraignantes, mais il manque de mécanismes pour les mettre en œuvre.

Israël s’est défendu en affirmant qu’il « n’a pas mené et ne mènera pas d’opérations militaires dans la zone de Rafah » susceptibles de « conduire à la destruction de la population civile palestinienne ».

Son armée a lancé le 7 mai des opérations au sol dans le secteur de Rafah, où elle dit vouloir sauver des otages et détruire les derniers bataillons du Hamas, considéré comme une organisation terroriste par Israël, les États-Unis, le Canada et l’Union européenne.

PHOTO BASHAR TALEB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens inspectent un édifice touché par une frappe israélienne à Nouseirat, le 25 mai.

« Assez de la guerre »

Le Hamas, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza en 2007, a salué la décision de la CIJ tout en déplorant qu’elle se limite à Rafah. La CIJ a également ordonné la « libération immédiate » des otages.

Selon des témoignages recueillis par un correspondant de l’AFP, les bombardements israéliens se poursuivent ce dimanche à Rafah et ailleurs dans la bande de Gaza.

La branche armée du Hamas a affirmé samedi soir avoir « tué, blessé ou fait prisonniers » des soldats israéliens lors d’une embuscade, samedi, dans le camp de Jabaliya, au sein de l’armée israélienne, qui a de son côté démenti qu’un soldat ait été pris en otage.

« Nous voulons voir la décision de la CIJ sur le terrain […] Assez, assez, assez de la guerre », a martelé Moamen Muchtaha, 33 ans, un Palestinien de la ville de Gaza, déplacé comme bon nombre des 2,4 millions de Gazaouis.

La guerre dans la bande de Gaza a débuté le 7 octobre après l’attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, qui a entraîné la mort de plus de 1170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Ce jour-là, 252 personnes ont également été emmenées comme otages dans le territoire palestinien. Après une trêve en novembre ayant notamment permis la libération d’une centaine d’entre eux, 121 otages sont toujours retenus à Gaza, dont 37 sont morts, selon l’armée israélienne.

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Des Palestiniens blessés lors des frappes israéliennes sur Bureij arrivent pour se faire soigner à l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa à Deir al-Balah, le 25 mai.

En riposte, l’armée israélienne a lancé une offensive dévastatrice dans le territoire palestinien, qui a fait au moins 35 903 morts, essentiellement des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Ordonnances « contraignantes »

ONU et ONG font régulièrement état d’une situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, avec un risque de famine et de nombreux hôpitaux hors service. Les opérations au sol à Rafah ont poussé environ 800 000 personnes à fuir, selon l’ONU.

Par ailleurs, l’opérateur palestinien de télécommunications Paltel a indiqué samedi sur X que l’accès à internet dans la ville de Gaza et ses environs avait été interrompu « en raison de l’agression en cours ».

Et l’armée américaine a déclaré que quatre de ses navires, utilisés pour la jetée provisoire pour l’aide à Gaza, se sont échoués samedi à cause d’une « mer agitée ». « La jetée reste entièrement fonctionnelle », a souligné le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (CENTCOM).

Après bientôt huit mois de guerre, la pression s’accroît chaque jour un peu plus sur Israël.

Madrid a averti samedi que les ordonnances émises par la CIJ étaient « contraignantes » et a exigé leur respect.

Peu après, le G7 Finances a appelé Israël à « garantir » les services bancaires aux banques palestiniennes, après que le pays a menacé cette semaine de les priver d’accès à leur propre système bancaire.

« Les sortir de l’enfer »

Début mai, des discussions indirectes entre Israël et le Hamas, par l’entremise du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis, avaient échoué à aboutir à un accord de trêve associée à la libération d’otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Vendredi, le président français, Emmanuel Macron, a reçu le premier ministre du Qatar et les ministres saoudien, égyptien et jordanien des Affaires étrangères.

À Tel-Aviv, des milliers d’Israéliens se sont rassemblés samedi soir pour réclamer une action urgente du gouvernement en vue d’obtenir la libération des otages, après que l’armée a annoncé vendredi avoir récupéré à Gaza les corps de trois personnes.

« Il faut les sortir de cet enfer maintenant », a déclaré Avivit, la sœur de Chanan Yablonka, un des otages dont le corps a été rapatrié.

« Dans quelques heures, j’enterrerai mon frère de 42 ans […]. Je redoutais ce moment », a-t-elle ajouté.