(Jérusalem) L’armée israélienne poursuit lundi ses opérations dans la bande de Gaza, affirmant que l’attaque iranienne sans précédent du weekend ne la fera pas dévier de ses objectifs face au Hamas.

« Même quand nous étions attaqués par l’Iran, nous n’avons pas perdu de vue, pas un seul instant, notre mission essentielle à Gaza, qui consiste à sauver nos otages des mains du Hamas, mandataire de l’Iran », a déclaré dimanche soir le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l’armée israélienne.

Il a annoncé l’envoi dans les prochains jours de deux brigades de réserve supplémentaires pour combattre dans le territoire palestinien assiégé.

Selon l’armée, les otages enlevés par le Hamas lors de son attaque contre Israël le 7 octobre sont détenus à Rafah, dans l’extrême sud de la bande de Gaza.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est dit déterminé à lancer une offensive terrestre contre cette ville qu’il présente comme le dernier grand bastion du Hamas, mouvement islamiste au pouvoir depuis 2007 dans la bande de Gaza. Et ce malgré les mises en garde de Washington et d’autres capitales internationales, qui redoutent un bain de sang parmi les Palestiniens déplacés.

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Un hélicoptère de l’armée de l’air israélienne lance des fusées éclairantes lors d’un survol au-dessus de la bande de Gaza, le 14 avril.

Selon l’ONU, environ 1,5 million de Gazaouis déplacés par les combats se massent en effet à Rafah, le plus souvent dans des camps de fortune.

Dimanche, n’y tenant plus, des milliers d’entre eux se sont lancés sur le chemin bordant la mer, en direction du nord, à la suite d’une fausse rumeur selon laquelle l’armée israélienne autorisait les déplacés à retourner dans cette zone.

« On ne respire pas »

« Je ne pouvais plus rester dans le sud, il y a trop de monde. On ne respire pas là-bas. C’était terrible », raconte une d’entre elles, Basma Salman.

Mais l’armée israélienne a démenti. « Le nord de la bande de Gaza reste une zone de combat », a insisté un porte-parole des forces armées. Et des Gazaouis interrogés par l’AFP ont affirmé avoir essuyé des tirs pendant leur pérégrination vers le nord.

Nour, un homme d’une trentaine d’années, a préféré rebrousser chemin. « Ils tiraient sur les hommes, j’ai dû faire demi-tour. Nous ne voulons pas mourir ».

La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent menée le 7 octobre dans le sud d’Israël par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, qui a entraîné la mort de 1170 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l’AFP à partir de données officielles israéliennes. Plus de 250  personnes ont été enlevées et 129 restent retenues à Gaza dont 34 sont mortes, d’après des responsables israéliens.

La riposte israélienne a fait 33 729 morts, également une majorité de civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Réouverture des écoles

Le Hamas et Israël s’accusent mutuellement de saboter les pourparlers en vue d’une trêve. Pour autant, « la diplomatie n’est pas morte », a affirmé dimanche John Kirby, porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison-Blanche.

En Israël, l’armée a annoncé la réouverture lundi, dans la majeure partie du pays, des écoles qui avaient été fermées depuis samedi en raison de la menace d’attaque imminente de la part de l’Iran.

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Un homme marche dans une rue déserte de Jérusalem, au lendemain d’une attaque de drones et de missiles lancée par l’Iran.

Cette attaque sans précédent, baptisée « Promesse honnête », a été déclenchée dans la nuit de samedi à dimanche en riposte à une frappe imputée à Israël contre le consulat d’Iran à Damas le 1er avril.

Israël a affirmé avoir « déjoué » cette opération nocturne en abattant, avec l’aide des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et d’autres pays, 99 % des plus de 350 projectiles – drones, missiles balistiques et missiles de croisière – qui se dirigeaient vers son territoire.

« L’attaque sans précédent de l’Iran a été contrée par une défense sans précédent », s’est félicité le contre-amiral Hagari.

Selon lui, seuls quelques missiles balistiques sont entrés dans l’espace aérien israélien et ont « touché légèrement » une base militaire, qui reste en activité. Il a fait état de plusieurs blessés légers ainsi que d’une fillette de 7 ans placée en soins intensifs.

L’Iran a pour sa part dit avoir « atteint tous ses objectifs » et causé de « sérieux dégâts dans la plus importante base aérienne du Néguev », dans le sud d’Israël.

L’ONU « a failli à son devoir de maintenir la paix et la sécurité internationales » en ne condamnant pas la frappe contre le consulat iranien à Damas, a déclaré l’ambassadeur d’Iran aux Nations Unies, Amir Saeid Iravani, lors d’un Conseil de sécurité convoqué en urgence dimanche soir.

« Dans ces conditions, la République islamique d’Iran n’a pas eu d’autre choix que d’exercer son droit à l’autodéfense », a-t-il déclaré.

Il a assuré que Téhéran ne voulait pas d’escalade, mais répondrait à « toute menace ou agression ».

L’ambassadeur israélien, Gilad Erdan, a pour sa part appelé le Conseil de sécurité à « imposer toutes les sanctions possibles contre l’Iran avant qu’il ne soit trop tard ».

« Au bord du précipice »

S’exprimant lors du Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a averti que « le Moyen-Orient est au bord du précipice ». Il a condamné à la fois l’attaque iranienne et la frappe contre le consulat iranien à Damas, soulignant le « principe d’inviolabilité » des établissements diplomatiques.

Cette frappe a coûté la vie à sept membres des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de l’Iran. Téhéran a accusé Israël, qui n’a ni confirmé ni démenti.

Israël est depuis la révolution iranienne de 1979 l’ennemi juré de l’Iran, qui appelle à sa destruction. Mais jusqu’à présent, Téhéran s’était gardé d’attaquer frontalement Israël, et les deux pays avaient l’habitude de s’affronter par tiers interposés, comme le Hezbollah.

Plusieurs analystes jugent quasi inévitable une riposte d’Israël.

« La grande question n’est pas seulement de savoir si Israël va agir, mais aussi ce qu’il va choisir de faire », a déclaré à l’AFP un responsable américain, assurant que les États-Unis ne participeront « à aucune action potentielle de leur part ».

L’Iran de son côté semble avoir voulu éviter une escalade, a souligné Nick Heras, analyste du groupe de recherche américain New Lines Institute for Strategy and Policy. Cette attaque « était destinée à être vue dans le monde entier, mais pas à faire dégénérer la situation en une guerre régionale totale », a-t-il dit à l’AFP.