La Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné jeudi à Israël d’assurer « une aide humanitaire de toute urgence » à la bande de Gaza assiégée, où l’offensive de l’armée israélienne contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuit dans les secteurs de plusieurs hôpitaux.

Outre le très lourd bilan humain et les énormes destructions, la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre, a provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien exigu, où la majorité des 2,4 millions d’habitants sont menacés de famine selon l’ONU.

Israël doit « veiller sans délai » à ce que soit assurée « sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence » à Gaza, a déclaré la CIJ basée à La Haye.

Saisie par l’Afrique du Sud, la juridiction avait ordonné en janvier à Israël de faire tout son possible pour empêcher un « génocide » dans le territoire palestinien, Israël jugeant « scandaleuses » de telles accusations.

Entretemps, le premier ministre israélien Benjamin Nétanyhou a réaffirmé jeudi sa détermination à lancer une offensive terrestre à Rafah, à la pointe sud du territoire palestinien, qu’il considère comme le dernier grand bastion du Hamas et où s’entassent 1,5 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés par les hostilités.

« Entrer à Rafah »

« Nous tenons le nord de la bande de Gaza ainsi que Khan Younès (sud). Nous avons coupé en deux la bande de Gaza et on se prépare à entrer à Rafah », a-t-il dit à des familles de soldats otages dans le territoire palestinien.

Les États-Unis, principal allié d’Israël qui redoute le bilan humain d’une telle opération, avaient demandé récemment l’envoi d’une délégation israélienne à Washington pour discuter de ce projet.  

PHOTO BASSAM MASOUD, REUTERS

Rafah, le 27 mars 2024

Mais Israël, furieux après l’abstention des États-Unis qui a permis l’adoption récente d’une résolution à l’ONU réclamant un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza, a annulé la visite.  

Mercredi cependant, un haut responsable américain a déclaré qu’Israël avait fait savoir qu’il aimerait trouver « une nouvelle date pour organiser la réunion » sur Rafah.

Sur le terrain, combats et bombardements ne connaissent aucun répit.

Tôt jeudi, le ministère de la Santé du Hamas a fait état d’au moins 66 morts dans la bande de Gaza au cours de la nuit, notamment dans des frappes aériennes israéliennes.  

Ce bilan porte à 32 552 le nombre de personnes tuées dans la bande de Gaza, majoritairement des femmes et des enfants, depuis le début des représailles israéliennes contre le Hamas, selon le ministère.   

L’armée israélienne, qui accuse les combattants du Hamas de se cacher dans les hôpitaux, poursuit ses opérations dans le complexe hospitalier al-Chifa, dans la ville de Gaza (nord), disant avoir « éliminé environ 200 terroristes » dans le secteur depuis le 18 mars.

Les troupes israéliennes « ont évacué les civils, les patients et les équipes médicales vers des installations médicales alternatives », assure l’armée.

PHOTO SYLVIE HUSSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Carte de la bande de Gaza avec les hôpitaux concernés par la poursuite d’opérations militaires israéliennes le 27 mars 2024

« Yeux bandés »

« Les forces israéliennes ont obligé des hommes à se déshabiller et ne garder que leurs sous-vêtements […] J’en ai vu d’autres les yeux bandés qui devaient suivre un char au milieu d’explosions », a indiqué Karam Ayman Hathat, un Palestinien de 57 ans qui habite dans un immeuble à une centaine de mètres de l’hôpital.  

À Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, les soldats mènent des opérations dans le secteur des hôpitaux Nasser et al-Amal, distants d’environ un kilomètre.

L’armée israélienne a indiqué jeudi avoir tué des dizaines de combattants dans le secteur d’al-Amal.

Ghazi Agha, 60 ans, se trouvait dans une tente dans le complexe hospitalier Nasser quand l’armée a demandé aux personnes qui s’y trouvaient de l’évacuer.

« Ils nous ont appelés avec un haut-parleur : “sortez ou on bombarde les bâtiments”. Je suis sorti avec des dizaines de personnes […] Nous avons entendu des explosions et des échanges de tirs tout le temps », dit-il.

L’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. D’après Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d’entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes.

En représailles, Israël a juré d’anéantir le Hamas – qu’il considère comme une organisation terroriste de même que les États-Unis et l’Union européenne – et lancé une offensive dans la bande de Gaza où le mouvement palestinien a pris le pouvoir en 2007.  

Le Qatar – un médiateur avec l’Égypte et les États-Unis – accueille cette semaine des négociations indirectes entre Israël et le Hamas visant à arracher une trêve de plusieurs semaines dans les combats doublée d’un échange d’otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Manque d’eau

Alors que l’aide humanitaire par voie terrestre contrôlée strictement par Israël y arrive au compte-gouttes, plusieurs pays parachutent quotidiennement des vivres, surtout dans le nord de la bande de Gaza où la situation est particulièrement désespérée.

Selon l’agence de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), 3 % seulement de l’aide entrée dans le territoire palestinien entre le 18 et le 24 mars a atteint le nord.

En dépit des « besoins énormes, les hostilités et les entraves à l’accès (de l’aide) continuent de saper les efforts pour faire parvenir une aide vitale aux civils » de la bande de Gaza, a déploré jeudi l’Ocha.

Dans une rue de Rafah, des Palestiniens, dont de nombreux enfants, faisaient la queue pour remplir leurs bidons d’eau potable.

« Il n’y a pas d’eau (douce) dans l’école », transformée en abri, « c’est pourquoi nous venons ici pour faire le plein d’eau », explique Ali al-Samouni, un déplacé d’une cinquantaine d’années.

« Nous marchons pendant une heure (pour aller chercher de l’eau). Parfois, nous revenons les mains vides », se lamente quant à elle Maram Abou Amra, une déplacée de Khan Younès.