La famine « est imminente », si elle n’est pas déjà installée à Gaza, où la situation est déjà plus catastrophique qu’au Soudan, en Somalie et en Afghanistan, selon l’Organisation des Nations unies. Au moins 1,1 million de personnes se trouvent présentement « au stade le plus élevé de la faim ».

Selon une nouvelle évaluation du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire publié lundi, le risque de famine à Gaza est particulièrement élevé dans le Nord, où sont restés ou sont retournés des milliers de Gazaouis qui vivent en bonne partie sous les décombres.

Pour que la famine soit décrétée, il faut que trois critères (chiffrés) soient remplis : un manque extrême de nourriture et la malnutrition aiguë chez les enfants – deux éléments largement dépassés, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) – de même que certains seuils de mortalité.

  • Les membres d’une famille mangent devant les décombres de leur maison à Rafah.

    PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

    Les membres d’une famille mangent devant les décombres de leur maison à Rafah.

  • Un Palestinien enseveli sous les décombres d’une frappe de missile dans la ville de Gaza est sur le point d’être secouru.

    PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

    Un Palestinien enseveli sous les décombres d’une frappe de missile dans la ville de Gaza est sur le point d’être secouru.

  • Des familles fuient une zone bombardée par Israël dans la ville de Gaza.

    PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

    Des familles fuient une zone bombardée par Israël dans la ville de Gaza.

  • Des Palestiniennes font la queue pour obtenir de la nourriture dans un camp de réfugiés de Jabalia.

    PHOTO MAHMOUD ESSA, ASSOCIATED PRESS

    Des Palestiniennes font la queue pour obtenir de la nourriture dans un camp de réfugiés de Jabalia.

  • Le sud de la bande de Gaza photographié à partir du territoire israélien

    PHOTO OHAD ZWIGENBERG, ASSOCIATED PRESS

    Le sud de la bande de Gaza photographié à partir du territoire israélien

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On en est donc à un funeste décompte qui consiste à déterminer s’il y a techniquement famine ou pas. « On est dans la sémantique bureaucratique », confirme François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire et professeur à l’UQAM.

Il s’agit ici, poursuit-il, de « justifier l’utilisation d’un terme qui a une portée humanitaire et politique, surtout que cette famine n’est pas créée par un désastre naturel, mais par l’homme, par Israël ».

Le risque d’être « du mauvais côté de l’Histoire »

Pas de sécheresse, pas d’inondation, ici. Et la justification d’Israël voulant qu’il en aille de sa juste sécurité et que le but soit de démanteler le Hamas ne tient plus, à son avis. « La volonté, à mes yeux, est de faire souffrir la population civile de Gaza » dans un esprit de vengeance, estime M. Audet.

Dans le Washington Post de lundi, Moamen al-Harhani, un homme de 29 ans de la ville de Jabalia, dans le nord de Gaza, a expliqué qu’« il n’y a pas de riz, pas de sucre, pas de haricots, pas de lentilles… Pas de fruits ou de légumes. Les gens mangent la nourriture des animaux et du bétail », un substitut de pain étant fabriqué à partir de nourriture pour animaux.

« Les forts mangent. Les faibles meurent », a pour sa part résumé Ahmed Najjar, lui aussi de Jabalia, dans ce même reportage.

Dans le quotidien français Le Monde, Beth Bechdol, directrice générale adjointe de la FAO, a expliqué que la crise humanitaire observée à Gaza est inédite par son ampleur et sa rapidité.

Pour toutes les instances politiques du monde entier, y compris les entités municipales, celles qui se taisent risquent de « se trouver du mauvais côté de l’Histoire », croit François Audet.

« Le silence est aussi une prise de position », fait observer François Audet.

Le Canada « plein de contradictions »

Le Canada en fait-il assez devant la tragédie ? Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères, et Justin Trudeau, premier ministre du Canada, critiquent certes plus ouvertement Israël ces derniers mois, « mais le temps de réaction du Canada a été long et plein de contradictions », juge M. Audet.

Car Ottawa ne peut pas à la fois se tenir aux côtés d’Israël et regretter dans le même souffle que des civils souffrent à ce point. Cette posture, qui est aussi celle d’autres gouvernements, est aussi paradoxale que contradictoire, selon M. Audet.

Thomas Juneau, professeur d’affaires internationales à l’Université d’Ottawa, note que la tragédie de cette famine à Gaza vient notamment du fait qu’elle « était entièrement prévisible ».

Mais ce qui est tout aussi dramatique, c’est que même si un cessez-le-feu était enfin conclu, « les infrastructures de Gaza – les routes, les hôpitaux, les égouts, les écoles – sont dans un état tel que la situation “va continuer d’empirer” même après une trêve.

On en est à l’anarchie, rappelle M. Juneau. Le Hamas était responsable de la sécurité et il n’y a plus de services policiers.

Devant pareil chaos, rappelle-t-il, ni le Canada ni les pays arabes ne sont disposés à envoyer des troupes qui deviendraient des cibles. « Les dirigeants arabes ont dit qu’il n’est pas question pour eux d’aller réparer les pots cassés » par Israël.

M. Juneau ajoute du même souffle, cependant, que dans les discussions entourant un cessez-le-feu, « il faut demander aux deux côtés » de faire leur bout de chemin. « Israël doit cesser sa destruction apocalyptique de Gaza, mais le Hamas doit pour sa part libérer les otages. »

Le fait que la très urgente libération des otages ne soit pas associée à la trêve est à juste titre source de frustration pour Israël, conclut M. Juneau.

En savoir plus
  • 1,1 million
    Nombre de Gazaouis confrontés « à une situation de faim catastrophique »
    source : Organisation des Nations unies