Un premier bateau transportant des vivres pour la population de Gaza affamée par plus de cinq mois de guerre est arrivé vendredi sur la côte du territoire palestinien, au moment où le Hamas semble avoir infléchi sa position en vue d’une trêve.

Le mouvement islamiste palestinien, qui exigeait jusqu’ici d’Israël un cessez-le-feu définitif avant tout accord sur une libération des otages retenus à Gaza, s’est dit prêt à une trêve de six semaines associée à un échange d’otages contre des prisonniers palestiniens.  

Le bureau du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a ensuite annoncé qu’une délégation israélienne allait se rendre au Qatar dans le cadre des négociations autour de cet échange, sans préciser quand.

La Maison-Blanche est « prudemment optimiste » pour les négociations sur une trêve, a dit un porte-parole vendredi.

La proposition du Hamas « est, dans les grandes lignes, compatible avec les principes de l’accord sur lequel nous travaillons depuis plusieurs mois », a estimé John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.

Pendant ce temps, un premier bateau de l’ONG espagnole Open Arms, remorquant une barge chargée de 200 tonnes de vivres, est arrivé à Gaza-ville (nord), selon des images de l’AFP.  

PHOTO FOURNIE PAR L’ARMÉE ISRAÉLIENNE VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Au matin, des habitants scrutaient au loin le bateau depuis le littoral de la Méditerranée.

« Je veux de l’aide pour mes enfants. Je veux qu’ils vivent et ne meurent pas de faim », a raconté l’un d’eux, Abou Issa Ibrahim Filfil.

L’ONU redoute une famine généralisée dans le territoire palestinien, notamment dans le Nord, déchiré par la guerre et difficilement accessible.  

Le Hamas a accusé l’armée israélienne d’avoir ouvert le feu jeudi soir avec « des chars et des hélicoptères » sur une foule qui attendait une distribution de farine à l’entrée de Gaza-ville.

L’armée a rejeté ces accusations et affirmé que c’était des « Palestiniens armés » qui avaient tiré sur la foule.

Ces tirs ont fait 20 morts et 155 blessés, selon le ministère de la Santé du Hamas.

300 000 repas

Une course contre la montre est engagée pour tenter d’acheminer davantage d’aide humanitaire. Celle-ci arrive principalement depuis l’Égypte via Rafah (Sud), après avoir été inspectée par Israël, mais reste très insuffisante au regard des besoins immenses des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

L’ONU redoute une famine généralisée dans la bande de Gaza, notamment dans le nord, difficilement accessible, où vivent actuellement plus de 300 000 personnes.  

Face à l’urgence humanitaire, plusieurs pays ont commencé à organiser des parachutages ou un couloir maritime depuis Chypre, mais tous soulignent que ces voies ne peuvent se substituer aux routes terrestres.

Parti mardi de Chypre, le bateau d’Open Arms transportait 300 000 repas concoctés par l’ONG américaine World Central Kitchen.

Une équipe de WCK a construit une jetée flottante où les cargaisons étaient en train d’être déchargées en fin d’après-midi, selon une porte-parole de l’ONG.

« Le bateau a été soumis à un contrôle de sécurité complet », a déclaré l’armée, soulignant que l’entrée d’aide humanitaire « ne viole pas » le blocus auquel est soumise la bande de Gaza depuis 2007.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de sources officielles israéliennes.

Selon Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d’entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 32 seraient mortes.

En représailles, Israël a promis d’anéantir le mouvement qu’il considère comme terroriste, à l’instar des États-Unis et de l’Union européenne.

Son armée a lancé une offensive ayant fait 31 490 morts dans la bande de Gaza, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas qui a dénombré vendredi 149 morts en 24 heures.

Prières dans les ruines

PHOTO ABDEL KAREEM HANA, ASSOCIATED PRESS

De la fumée s’élève au-dessus du centre de la bande de Gaza à la suite d’une frappe aérienne israélienne, le 15 mars.

Des dizaines de frappes ont visé le territoire vendredi, notamment dans la ville de Gaza, Khan Younès (sud) et le centre, selon le Hamas.

La guerre a aussi envenimé les tensions dans les Territoires palestiniens occupés, où les fidèles musulmans ont participé vendredi à la première grande prière depuis le début du ramadan lundi.  

À Jérusalem, des dizaines de milliers de fidèles se sont réunis sans incident sur l’esplanade des Mosquées, sous haute surveillance policière, pendant qu’à Gaza, des habitants se rassemblaient pour prier au milieu des ruines.  

« Nous nous rassemblons sur les décombres de notre mosquée détruite. Cette année, le ramadan est complètement différent à cause de tous les martyrs et des nombreux blessés, et du manque de nourriture », a témoigné Baker Abou Ghiran, un déplacé à Rafah.

Les médiateurs américains, égyptiens et qataris n’ont pas réussi à arracher un accord de trêve comme ils l’espéraient avant le ramadan, mois de jeûne et de prière pour les musulmans.

Mais le Hamas semble avoir infléchi vendredi sa position. Un de ses responsables a annoncé à l’AFP que le mouvement était désormais prêt à une trêve de six semaines, pendant laquelle 42 otages, femmes, enfants, personnes âgées et malades pourraient être libérés en échange de 20 à 50 prisonniers palestiniens.  

Dans cette optique, le mouvement islamiste exige le « retrait de l’armée de toutes les villes et zones peuplées », le « retour des déplacés sans restrictions » et l’entrée d’au moins 500 camions d’aide humanitaire par jour à Gaza.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a pour sa part déclaré que les pays médiateurs travaillaient « d’arrache-pied pour combler le fossé restant » en vue d’un accord sur les otages et un cessez-le-feu.

Mais tandis que les négociations devraient reprendre, M. Nétanyahou a approuvé « les plans d’action » de l’armée en vue d’une offensive à Rafah, où sont massés, selon l’ONU, environ 1,5 million de Palestiniens.

« L’armée israélienne est prête pour le côté opérationnel et pour l’évacuation de la population », selon un communiqué officiel qui ne donne aucune autre précision sur cette opération annoncée de longue date, contre laquelle les États-Unis et l’ONU ne cessent de mettre en garde.

« Nous ne soutiendrons pas un plan qui ne prenne pas en compte le million et demi de Palestiniens », a mis en garde, une nouvelle fois, John Kirby.