Les efforts des médiateurs se sont encore intensifiés mardi pour parvenir à une trêve dans la bande de Gaza assiégée, où la famine guette des centaines de milliers de Palestiniens après plus de cinq mois de guerre entre Israël et le Hamas.

Alors que les discussions sur un éventuel accord de trêve se poursuivent au Qatar, le chef du mouvement islamiste, Ismaïl Haniyeh, a accusé mardi Israël de « saboter » ces négociations en menant depuis la veille une opération d’envergure contre l’hôpital al-Chifa, dans le nord de Gaza.

Les ONG et les agences de l’ONU ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur le risque imminent de famine dans le territoire palestinien, en particulier dans le nord, difficilement accessible, où vivent actuellement plus de 300 000 personnes.

« Cent % de la population » de Gaza se trouve « dans une situation d’insécurité alimentaire grave », a affirmé mardi le secrétaire d’État américain Antony Blinken, à la veille d’une nouvelle tournée régionale. « C’est la première fois qu’une population entière est ainsi classée », a-t-il ajouté.

Les sévères restrictions imposées par Israël à l’entrée de l’aide humanitaire et la possible utilisation de la faim comme arme pourraient « constituer un crime de guerre », a averti l’ONU mardi.

« Le tonnerre et les bombardements »

Selon les agences de l’ONU, un habitant sur deux à Gaza, soit plus de 1,1 million de personnes, connaît une situation alimentaire « catastrophique » proche de la famine.

Le ministère de la Santé du Hamas a fait état mardi de 93 morts en 24 heures dans les opérations israéliennes, dont 15 personnes incluant des femmes et des enfants tuées à Rafah, dans l’extrême sud du territoire.

Une pluie torrentielle s’est abattue pendant la nuit de lundi à mardi sur cette ville, qui abrite selon l’ONU près d’un million et demi de Palestiniens, la plupart des déplacés chassés par les combats.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Rafah, le 19 mars 2024

« Nous ne faisons plus la différence entre la pluie, le tonnerre et les bombardements. Les enfants criaient de peur. Nous avons été submergés par l’eau de pluie et nos affaires ont été trempées », a raconté à l’AFP Oum Abdoullah Alwan, une femme déplacée de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, installée sous une tente avec 14 membres de sa famille.

À Jabaliya, des Palestiniens se bousculaient derrière une grille fermée en espérant recevoir une assiette de soupe aux carottes.

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Dans le camp de Jabaliya, des Palestiniens se bousculaient derrière une grille fermée en espérant recevoir de la nourriture.

« Nous sommes venus faire la queue, mais ils nous ont jetés dehors. Il n’y a pas assez de nourriture », a témoigné un habitant, Mousaab al-Masry.

« Semer le chaos »

L’armée a poursuivi mardi son opération dans l’hôpital al-Chifa de la ville de Gaza, le plus grand complexe hospitalier du territoire qu’elle avait déjà pris d’assaut le 15 novembre avant de s’en retirer.  

L’action des forces israéliennes « illustre leurs efforts pour semer le chaos et perpétuer la violence », a affirmé Ismaïl Haniyeh.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens déplacés fuient la zone située à proximité de l’hôpital al-Chifa de la ville de Gaza.

L’armée a déclaré mardi avoir tué « des dizaines » de combattants du Hamas et du Djihad islamique dans le complexe hospitalier et à ses abords, et avoir arrêté « plus de 300 suspects ».

Des centaines de civils ont fui depuis lundi le secteur bombardé.

La guerre a éclaté le 7 octobre lorsque des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque sans précédent dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort d’au moins 1160 personnes, la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de sources officielles israéliennes.

Selon Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d’entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 33 seraient mortes.  

En représailles, Israël a promis d’anéantir le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu’il considère comme une organisation terroriste, de même que les États-Unis et l’Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu’à présent 31 819 morts à Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Après des mois d’efforts infructueux des trois pays médiateurs, États-Unis, Qatar et Égypte, les discussions se poursuivent à Doha pour tenter de parvenir à une trêve associée à la libération d’otages.

« Prudemment optimiste »

Après une visite lundi du chef des services de renseignement israélien David Barnea, des « équipes techniques » continuent de discuter d’un éventuel accord, selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, Majed al-Ansari, qui s’est dit « prudemment optimiste ».

Dans le même temps, Antony Blinken est attendu mercredi en Égypte puis se rendra en Arabie saoudite, dans le cadre des efforts pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza et y augmenter l’aide humanitaire.

En dépit des pressions internationales, Israël se prépare à une opération terrestre à Rafah, qu’il qualifie de « dernier bastion » du Hamas.  

Lors d’un entretien téléphonique lundi avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le président américain Joe Biden s’est dit « profondément inquiet » de cette offensive annoncée. Il a demandé l’envoi à Washington d’une délégation israélienne pour discuter « des façons de cibler le Hamas sans mener une vaste offensive terrestre à Rafah ».  

Israël a imposé un siège total à la bande de Gaza depuis le début de la guerre et contrôle l’entrée de l’aide humanitaire qui arrive principalement depuis l’Égypte via Rafah, mais reste très insuffisante face aux besoins immenses de la population.

Face à l’urgence humanitaire, plusieurs pays organisent des parachutages et ont ouvert un couloir maritime depuis Chypre, mais tous soulignent que ces voies d’approvisionnement ne peuvent se substituer aux routes terrestres.

Un deuxième bateau chargé d’aide humanitaire doit quitter Chypre dans les prochains jours, après l’arrivée le 15 mars à Gaza d’un premier bateau de l’ONG espagnole Open Arms, chargé de 200 tonnes de vivres fournis par l’ONG américaine World Central Kitchen.

Cette ONG a annoncé mardi que la cargaison a commencé à être distribuée dans le nord de Gaza par le Programme alimentaire mondial des Nations unies.