Israël soutient avoir « démantelé » la « structure militaire » du Hamas dans le nord de Gaza à l’heure où sa guerre contre le mouvement islamiste palestinien entre dimanche dans son quatrième mois sur fond de crainte d’embrasement régional.   

Tôt dimanche, des témoins ont fait état de frappes aériennes israéliennes à Khan Younès, principale ville du sud de la bande de Gaza et nouvel épicentre des affrontements en cours entre l’armée israélienne et le Hamas, l’agence palestinienne Wafa dénombrant de nombreux morts et blessés.

Et en Cisjordanie occupée, un raid israélien a fait six morts dimanche à Jénine, bastion des factions palestiniennes, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne.

Samedi soir, l’armée israélienne a affirmé se concentrer désormais davantage sur le centre et le sud de Gaza après quelque trois mois de guerre qui lui ont permis selon elle de défaire le Hamas dans le nord de ce micro-territoire palestinien d’environ 2,4 millions d’habitants.

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L’armée israélienne a tué 22 722 personnes, majoritairement des femmes, enfants et adolescents, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.  

« Nous avons achevé le démantèlement de la structure militaire Hamas dans le nord de la bande de Gaza […] Nous nous focalisons désormais sur le démantèlement du Hamas dans le centre et le sud de Gaza », a déclaré le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari, précisant toutefois que des éléments du Hamas opéraient toujours dans le nord de Gaza « sans structure et sans commandants ».

L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a annoncé dans la nuit avoir évacué son personnel d’un hôpital du centre de Gaza. « La situation est devenue si dangereuse que certains membres de notre équipe vivant dans le quartier n’étaient même pas en mesure de quitter leurs maisons en raison des menaces constantes des drones et des tireurs d’élite », a déclaré sur X Carolina Lopez, coordonatrice des services d’urgence de MSF à Gaza.

« La guerre ne doit pas s’arrêter tant que nous n’aurons pas atteint [nos objectifs, NDLR] » qui sont « d’éliminer le Hamas, récupérer les otages et faire en sorte que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a déclaré samedi soir Benyamin Nétanyahou pour souligner trois mois de guerre.

Israël a juré de détruire le Hamas après son attaque inédite sur le sol israélien le 7 octobre, fatale à environ 1140 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir du bilan israélien. Environ 250 personnes ont été enlevées dont une centaine libérées lors d’une trêve fin novembre.

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Les proches des Palestiniens tués lors de bombardements israéliens pleurent leurs morts à l’hôpital européen de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 janvier.

Les opérations israéliennes dans la bande de Gaza ont fait 22 722 morts, majoritairement des femmes, enfants et adolescents, et plus de 58 000 blessés, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.  

« Nous en avons assez ! »

Des manifestants anti-gouvernementaux israéliens se sont rassemblés samedi soir sur la place Habima de Tel-Aviv, appelant à des élections anticipées et à la démission du gouvernement, dans le cadre de la guerre en cours avec le Hamas dans la bande de Gaza.

« Nous en avons assez ! Nous en avons assez ! Le gouvernement est une bande d’idiots. Ils nous mènent vers un endroit horrible. Ils nous mènent vers un avenir innommable. Bibi Nétanyahou et tous ses autres idiots sont en train de ruiner Israël et de détruire tout ce que nous espérions et rêvions », a déclaré sur place à l’AFP Shachaf Netzer, 54 ans.

« Nous avons besoin de nouvelles élections. Nous avons besoin d’un nouveau gouvernement. Nous avons besoin d’un nouveau dirigeant », a-t-il ajouté alors que l’opposition israélienne avait appelé au départ du premier ministre Benyamin Nétanyahou, affirmant qu’il n’avait pas la « confiance » de la population pour mener une « longue » campagne militaire à Gaza.  

À Paris, et dans plusieurs villes de province en France, des milliers de personnes ont marché en faveur d’un « cessez-le-feu » et en soutien à la population de Gaza.  

Dans un cimetière de la ville de Gaza, des Palestiniens ont ré-enterré samedi des corps exhumés de leurs tombes dans cette zone où l’armée israélienne mène une offensive terrestre depuis fin octobre.

Au milieu d’une nuée de mouches, une petite dizaine d’hommes, portant des gants et des masques chirurgicaux, s’affairent à les mettre à nouveau en terre. « Nous avons été surpris de voir les corps exhumés », raconte à l’AFP un des hommes en train d’enterrer les corps.

L’offensive israélienne a rasé des quartiers entiers de Gaza et déplacé 1,9 million de personnes -85 % de la population d’après l’ONU-qui manquent d’eau, de nourriture, de médicaments et de soins, avec des hôpitaux pour la plupart hors service.  

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Des Palestiniens déplacés par les bombardements israéliens sur la bande de Gaza ont trouvé refuge à l’hôpital européen de Gaza à Rafah, le 6 janvier.

Au point où Gaza est devenue « tout simplement devenue inhabitable », « un lieu de mort et de désespoir », a déploré ce week-end le coordinateur des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths.  

« Risque d’embrasement »

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Des Palestiniens font la queue pour recevoir de l’eau, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

« Israël a proclamé son objectif d’éradiquer le Hamas. Il doit y avoir un autre moyen d’éradiquer le Hamas qui ne provoquerait pas autant de morts », a plaidé samedi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, en visite au Liban, où il a jugé « absolument nécessaire » d’éviter un conflit régional.

Depuis le 8 octobre, soit au lendemain de l’attaque sanglante du Hamas en sol israélien, les échanges de tirs quasi-quotidiens entre le Hezbollah libanais et les forces israéliennes ont fait 181 morts au Liban, dont 135 combattants du mouvement chiite, selon un décompte de l’AFP.  

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De la fumée s’élève au-dessus du village frontalier de Khiam, au sud du Liban, à la suite de bombardements israéliens, le 6 janvier.

Et ces tensions vont crescendo depuis l’élimination près de Beyrouth du N.2 du Hamas, Saleh al-Arouri, dans une frappe aérienne attribuée à Israël et qui a entraîné samedi la « riposte initiale » du Hezbollah avec un barrage de roquettes tirées vers une base militaire israélienne.

En Syrie et en Irak, les attaques contre des bases militaires des États-Unis se sont aussi multipliées depuis le 7 octobre, tandis que les rebelles houthis au Yémen-soutenus par l’Iran comme le Hamas et le Hezbollah-perturbent le trafic maritime mondial en mer Rouge en y attaquant des navires en « soutien » aux Palestiniens de Gaza.

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a appelé samedi son homologue iranien, Hossein Amir-Abdollahian, pour exhorter « l’Iran et ses affidés » à cesser « immédiatement » leurs « actions déstabilisatrices » alors que « le risque d’embrasement régional n’a jamais été aussi important ».  

Pendant ce temps, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken se trouve dimanche en Jordanie dans le cadre d’une tournée au Moyen-Orient visant à juguler l’escalade en cours dans la région.