La pression internationale monte contre Israël, avec l’appel à une écrasante majorité de l’Assemblée générale des Nations Unies à un « cessez-le-feu humanitaire » dans la bande de Gaza, devenue « l’enfer sur terre » selon l’ONU en raison des bombardements incessants et des conditions humanitaires chaque jour plus terribles.

Ce qu’il faut savoir

  • 18 412 personnes sont mortes à Gaza dans les bombardements israéliens, majoritairement des femmes et des jeunes de moins de 18 ans. Plus de 50 000 ont également été blessées.
  • Les rebelles houthis du Yémen ont revendiqué un tir de missile en mer Rouge qui a touché lundi un pétrolier battant pavillon norvégien ;
  • Le Hamas accuse l’armée israélienne d’avoir lancé un assaut contre un hôpital du nord de la bande de Gaza ;
  • Les forces israéliennes auraient lancé l’assaut contre l’hôpital Kamal Adwan après l’avoir assiégé et bombardé pendant plusieurs jours ;
  • L’assemblée générale des Nations unies doit se prononcer sur une résolution pour un cessez-le-feu immédiat ;
  • Le projet de texte demande la protection des civils, l’accès de l’aide humanitaire et la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages ;
  • Consulté par l’AFP, le texte reproduit largement la résolution bloquée au Conseil vendredi par le veto des États-Unis, membre permanent du Conseil de sécurité et allié d’Israël.
  • Lundi soir, l’armée israélienne a mis en place d’un point de contrôle supplémentaire pour l’inspection des camions avant leur entrée à Gaza par le terminal de Rafah ;

Et pour la première fois depuis le début de la guerre, le président américain Joe Biden a critiqué publiquement le gouvernement israélien pour son opposition à une « solution à deux États » et l’a mis en garde contre une érosion du soutien de l’opinion publique mondiale à cause de ses bombardements « aveugles » sur Gaza.

PHOTO SIMON MALFATTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Carte de la bande de Gaza avec les zones approximatives où des opérations au sol de l’armée israélienne ont été rapportées (source ISW) jusqu’au 10 décembre.

Prenant le relais d’un Conseil de sécurité paralysé, l’Assemblée générale de l’ONU a réclamé mardi « un cessez-le-feu humanitaire immédiat », dans une résolution adoptée par 153 voix pour, 10 contre, et 23 abstentions. Mais le texte, non contraignant, ne condamne pas le Hamas, une absence fustigée par Israël et les États-Unis qui ont voté contre.

« Pourquoi est-ce si difficile de dire sans équivoque que tuer des bébés et abattre des parents devant leurs enfants est horrible ? », a lancé l’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield.

« Le temps est venu de rejeter la faute sur ceux qui le méritent, les monstres du Hamas », a insisté pour sa part l’ambassadeur israélien Gilad Erdan, répétant que selon lui, un cessez-le-feu ne ferait que renforcer le mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza depuis 2007.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Rafah, le 12 décembre 2023

« Le message puissant de l’Assemblée générale représente un jour historique », a salué pour sa part l’ambassadeur palestinien à l’ONU Riyad Mansour.

La population dans la bande de Gaza, où 85 % des 2,4 millions d’habitants ont été déplacés et des quartiers entiers détruits par les bombardements, vit « l’enfer sur terre », a lancé le directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini.

Dans le sud du territoire soumis à un blocus israélien depuis plus de 15 ans et à un siège total depuis deux mois, de nouveaux raids meurtriers ont visé mardi Khan Younès et Rafah. Des frappes sur deux maisons à Rafah ont fait 24 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.

« Ils [les militaires israéliens] ont dit eux-mêmes que le sud est sûr, Rafah est sûre. Où est la sécurité à Rafah ? Chaque jour il y a des frappes à Rafah ici », a lancé Tawfiq Abou Brik, au milieu des ruines.

L’armée israélienne a déclaré la guerre au Hamas après une attaque d’une violence et d’une ampleur sans précédent menée le 7 octobre contre Israël par ses commandos infiltrés depuis la bande de Gaza voisine, qui a fait 1200 morts, en majorité des civils, selon les autorités.

Elle a promis de détruire le Hamas, classé organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, et son offensive à Gaza a coûté la vie à 18 412 personnes, en grande majorité des femmes et des moins de 18 ans, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Deux corps d’otages découverts

Le 7 octobre, les combattants palestiniens ont emmené aussi environ 240 otages à Gaza, où 135 sont toujours détenus, selon l’armée, après plusieurs libérations, dont une centaine à la faveur d’une trêve fin novembre.

Mardi, l’armée a annoncé avoir « durant une opération à Gaza, découvert et ramené en Israël les corps des otages Eden Zakaria et [du soldat] Ziv Dado ».

PHOTO ISRAEL DEFENSE FORCES, FOURNIE PAR REUTERS

Des soldats israéliens à Gaza, le 12 décembre 2023

Les combats au sol accompagnés de frappes aériennes font rage à Khan Younès, où s’étaient réfugiés des centaines de milliers de civils fuyant la progression des troupes israéliennes dans le nord de Gaza.

Le Hamas a fait état aussi de combats dans le centre du territoire. Et des tirs d’artillerie ininterrompus et plusieurs frappes ont ciblé la ville de Gaza (nord).

Les soldats israéliens ont lancé le 27 octobre une offensive terrestre dans le nord de Gaza, avant de l’étendre à l’ensemble du territoire. Selon l’armée, 105 soldats y sont morts dont 13 tués par des « tirs amis ».

Les combattants palestiniens ont eux continué à tirer des roquettes en direction d’Israël dont la grande majorité ont été interceptées, selon l’armée.

« Elle était morte »

Après avoir fui leurs maisons dans le nord puis leurs abris à Khan Younès, des dizaines de milliers de Palestiniens s’abritent désormais à Rafah, plus au sud, devenue un gigantesque camp avec de centaines de tentes montées avec des bouts de bois, des bâches en plastique et des draps.

Après une frappe nocturne qui a creusé un énorme cratère dans un quartier de Rafah, des survivants fouillent les ruines, à mains nues ou à l’aide de pelles.

PHOTO SALEH SALEM, REUTERS

Un abri de fortune à Rafah, le 12 décembre 2023

« Il reste des gens sous les décombres. La Défense civile nous aide, mais nous n’avons pas assez d’équipements pour les sortir », a témoigné Abou Jazar, 23 ans.

Des blessés, enveloppés dans des couvertures, sont emmenés dans le coffre des voitures vers un hôpital de la ville. D’autres sont transportés, une fois tirés des décombres, sur de grandes couvertures tenues par de jeunes hommes qui courent au milieu de personnes couvertes de poussière.

À l’hôpital al-Najjar de Rafah, Hani Abou Jameh porte en pleurant le corps enveloppé dans un linceul blanc de sa fillette, Sidal, tuée par un éclat d’obus alors qu’elle dormait sous une tente. Autour de lui, dix corps sont alignés.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Hani Abou Jameh porte en pleurant le corps enveloppé dans un linceul blanc de sa fillette, Sidal.

« Il y a eu un bombardement très, très fort, à trois reprises. […] Au matin, j’ai découvert qu’elle était morte », a-t-il raconté.

Depuis le siège imposé le 9 octobre à Gaza, Israël contrôle l’entrée de l’aide internationale dans le territoire via l’unique point de passage ouvert de Rafah, avec l’Égypte.  

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

L’hôpital al-Najjer de Rafah, le 12 décembre 2023

Selon l’agence de l’ONU chargée de la coordination humanitaire (OCHA), 100 camions transportant de l’aide sont entrés depuis lundi soir via Rafah, de même que 120 000 litres de carburant, une assistance qui reste d’après elle très en deçà des besoins.

De plus, en raison des combats, l’aide est très difficilement acheminée au-delà de Rafah où la nourriture se fait rare.

Désaccord entre alliés

La guerre a fait flamber les violences en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, où les forces israéliennes ont tué six Palestiniens mardi, selon l’Autorité palestinienne.

Elle a aussi rallumé le front avec le Hezbollah libanais à la frontière. L’aviation et l’artillerie israéliennes ont bombardé des positions du mouvement chiite allié du Hamas dans le sud du Liban en riposte à des tirs d’obus sur le nord d’Israël, d’après l’armée.

L’armée israélienne a également indiqué que ses avions et ses chars avaient frappé plusieurs installations militaires en territoire syrien, également en riposte aux tirs contre Israël.

Alors que les États-Unis ont apporté un soutien sans faille à Israël dans sa guerre contre le Hamas, Joe Biden a signalé mardi des désaccords avec son allié.

Le président américain a souligné qu’à l’heure actuelle, Israël avait le soutien de « la majeure partie du monde ». Mais il a lancé l’avertissement suivant : « Ils sont en train de perdre ce soutien avec les bombardements aveugles qui ont lieu. »

À propos du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le démocrate de 81 ans a dit : « C’est un bon ami, mais il faut qu’il change », or « ce gouvernement en Israël fait qu’il est très difficile pour lui de changer », selon une retranscription de ses propos transmise par la Maison-Blanche.

Dans une déclaration commune, les premiers ministres canadien, australien et néo-zélandais se sont déclarés « alarmés par la diminution de l’espace de sécurité pour les civils à Gaza ». « Le prix à payer pour vaincre le Hamas ne peut être la souffrance continue de tous les civils palestiniens », ont-ils ajouté.