(Washington) Alors que la guerre entre Israël et le Hamas fait rage, les États-Unis ont renouvelé leur appel à poursuivre les efforts vers la mise en place effective d’un État palestinien mais rares sont ceux qui s’attendent au succès d’une telle initiative après des décennies d’échec.

L’administration du président Joe Biden a fait face à une pluie de critiques dans le monde arabe pour son soutien aux représailles d’Israël après l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre.

Mais la position des États-Unis a connu un changement subtil de ton ces derniers jours, plusieurs responsables soulignant avec insistance le besoin de minimiser l’impact du conflit sur les civils palestiniens.

S’exprimant vendredi lors d’un nouveau déplacement en Israël, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé à la mise en place de « pauses humanitaires » permettant l’acheminement de l’aide internationale.  

Le secrétaire d’État a ensuite affirmé à Tel-Aviv que la solution à deux États représentait « la meilleure voie, peut-être même la seule ».

C’est le seul moyen d’assurer une sécurité durable [à Israël] et la seule façon de garantir que les Palestiniens réalisent leurs aspirations légitimes à un État qui leur soit propre.

Antony Blinken, secrétaire d'État des États-Unis

Il y a 30 ans, les accords d’Oslo avaient déjà tenté de mettre en place une telle solution, en vain. L’Autorité palestinienne ne jouit que d’une autonomie limitée dans certaines parties de Cisjordanie, territoire occupé par Israël, et se trouve affaiblie depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza en 2007.

En Israël, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou est un farouche opposant à l’idée d’un État palestinien et se trouve à la tête du gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays.

« Avenir différent »

Mais pour Brian Katulis, chercheur à l’Institut du Moyen-Orient à Washington, l’appel à une solution à deux États lancé par Washington représente un signal que « nous ne nous enfonçons pas dans un tunnel ténébreux sans lumière au bout ».

« Aussi irréaliste que cela puisse sembler à court terme, il est important de continuer à le dire, si ce n’est que pour envoyer le message aux acteurs de la région […] de notre réengagement à un certain horizon », comportant « au moins une idée d’un avenir différent », estime-t-il.

En Israël, au moins 1400 personnes ont été tuées selon les autorités depuis le début de la guerre, en majorité des civils le jour même de l’attaque sans précédent du Hamas.

Dans la bande de Gaza, les bombardements israéliens incessants, opérés en représailles, ont fait plus de 9227 morts, dont 3826 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

« Appeler à une solution à deux États ne signifie pas que c’est l’objectif établi et qu’il y aura un État palestinien après cela », a affirmé un diplomate basé à Washington, travaillant pour un allié des États-Unis.

« C’est plus que les Américains veulent forcer le début d’une conversation sur ce qui vient après », a-t-il ajouté, sous couvert de l’anonymat.

Bien avant les attaques du 7 octobre, le soutien à la mise en place effective d’un État palestinien semblait s’évaporer petit à petit.

« Diplomatie zombie »

Un sondage mené plus tôt cette année par le Pew Research Center avançait que 35 % des Israéliens estimaient que leur pays pouvait coexister pacifiquement avec un État palestinien indépendant, soit une chute de 15 points par rapport à il y a dix ans. Une chute similaire a été observée du côté palestinien.

Quelques semaines avant les attaques du Hamas, Benyamin Nétanyahou avait affirmé à la tribune de l’ONU que l’idée d’une solution à deux États appartenait au passé, tandis que le futur était celui de la normalisation des relations d’Israël avec les États arabes. Une perspective qui s’est également assombrie depuis le 7 octobre.

PHOTO MARY ALTAFFER, ASSOCIATED PRESS

Quelques semaines avant les attaques du Hamas, Benyamin Nétanyahou avait affirmé à la tribune de l’ONU que l’idée d’une solution à deux États appartenait au passé

Dans une tribune publiée après ces attaques, Anthony Cordesman, chercheur au Center for Strategic and International Studies, note que chaque tentative précédente d’aller vers une solution à deux États a en réalité mené à de nouveaux épisodes de violences ou de tensions.

Le conflit actuel montre qu’une « solution à deux États n’est peut-être pas totalement enterrée mais tellement proche d’être défunte que chaque tentative de la ressusciter ne s’apparente à rien d’autre que de la diplomatie zombie », écrit-il.

Pourtant, Brian Katulis, qui a travaillé dans les Territoires palestiniens après les accords d’Oslo, estime qu’il n’existe pas réellement d’alternative, mettant en doute la possibilité qu’Israéliens et Palestiniens puissent coexister dans un même État.

« Aussi irréaliste que puisse sembler l’idée d’une solution à deux États pour certains, c’est sûrement l’option la plus réaliste », affirme-t-il.