(Nir Oz) « Ils sont venus pour assassiner ». Ron Bahat, un habitant du kibboutz Nir Oz, attaqué par le Hamas le 7 octobre, contient mal son émotion. Ici, en bordure de la bande de Gaza, la mort plane encore.

La dévastation est partout. Les maisons sont calcinées. La vie est partie en fumée. Jeudi, M. Bahat, 57 ans, est venu sur place pour mesurer l’étendue du désastre que les combattants du mouvement islamiste palestinien ont laissé derrière eux.

« Prendre la vie »

Il désigne une maison : dans les décombres, les carcasses de meubles et d’appareils électroménagers, les restes d’une femme et de son petit-fils y ont été retrouvés, dit-il.

« Ils s’étaient réfugiés à l’intérieur de l’abri. Il y avait du sang partout », raconte-t-il. « Ils sont venus pour assassiner. Ils sont venus pour prendre la vie », répète-t-il.

PHOTO SERGEY PONOMAREV, THE NEW YORK TIMES

Près de 200 membres du Hamas armés de fusils automatiques ont envahi le village agricole collectiviste en s’infiltrant par trois brèches ouvertes dans sa clôture.

D’après les estimations des responsables de cette communauté, environ un quart de ses 400 habitants ont été tués, kidnappés ou sont portés disparus.

Pelouses autrefois verdoyantes

Samedi 7 octobre, à l’aube, des hommes du mouvement islamiste palestinien ont pénétré par surprise à l’intérieur de ce lieu jusqu’alors paisible, où les maisonnettes étaient posées sur des pelouses autrefois verdoyantes, bordées de fleurs et d’eucalyptus.

Depuis le début de la guerre déclenchée il y a 13 jours entre Israël et le Hamas, à la suite de l’attaque du mouvement islamiste sur le sol israélien, plus de 1400 personnes, en grande majorité des civils, ont été tuées et 203 autres prises en otages, selon les autorités israéliennes.

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Ron Bahat reconnaît qu’il est compliqué d’obtenir des nombres précis sur le bilan des morts. Des corps ont encore été découverts ces jours-ci, tandis que d’autres attendent d’être identifiés, une opération rendue compliquée du fait de l’état des corps.

C’est en maintenant fermée pendant huit heures et demie la porte de l’abri où il se trouvait avec les siens que Ron Bahat a été sauvé, en dépit des tentatives répétées des combattants du Hamas d’enfoncer la porte. Ils n’ont toutefois pas eu recours à des grenades ou à des explosifs pour entrer comme ils ont pu le faire dans d’autres maisons, selon lui.

« Nir Oz était l’un des meilleurs endroits où vivre », confie M. Bahat.

L’AFP a pu visiter le kibboutz grâce à un accès organisé par l’armée israélienne, l’un des premiers déplacements autorisés à des médias sur les lieux du drame.

Près de deux semaines après cette journée sanglante, les signes de l’attaque sont encore frais. Du linge est encore suspendu à des cordes et des vélos d’enfants sont jetés au sol, dans les jardins, à côté des maisons incendiées.

Le chef de la sécurité de Nir Oz, Shachar Butler, 40 ans, a été l’un des rares jeudi à retourner dans le kibboutz, afin d’enterrer un ami proche.

« C’est inimaginable », soupire-t-il. Il raconte qu’après le déclenchement d’une alarme, il a vu plus d’une dizaine d’hommes armés entrer dans sa cour et lancer des grenades sur sa maison.

« Je lui tirais dessus »

« Chaque fois que quelqu’un essayait de toucher ma fenêtre, je lui tirais dessus », se souvient-il. « Les gens qui sont sortis, ont été kidnappés, tués, exécutés, massacrés ».

Tous les survivants du kibboutz ont été évacués après l’attaque.

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L’armée israélienne a depuis pris position sur le village situé à quelques kilomètres seulement de la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas et qui continue d’être pilonnée en représailles par Israël.

Les responsables du Hamas estiment que plus de 3700 Palestiniens ont été tués lors des bombardements sur le petit territoire peuplé de 2,4 millions de Palestiniens et soumis à un siège complet depuis le début de la guerre.

Alors que l’armée se prépare à une éventuelle opération terrestre dans la bande de Gaza, des habitants admettent qu’il est difficile d’imaginer comment un terrain d’entente pourra être trouvé à l’avenir.

« Nous avons marché dans nos champs, nous les avons cultivés en espérant qu’un jour, peut-être, il y aurait une solution » pacifique. C’est désormais impossible, « un virage à 180 degrés » a été pris, dit-il. On entend au loin résonner les explosions des frappes aériennes, des tirs de mortier, ainsi que les coups de feu.