À quelques exceptions près, la communauté internationale a condamné à l’unisson l’attaque du Hamas contre Israël. Mais pas avec la même ferveur. Tour d’horizon.

Le bloc occidental : soutien indéfectible à Israël

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Le président des États-Unis, Joe Biden, la vice-présidente Kamala Harris et le secrétaire d’État Antony Blinken

Sans surprise, les pays occidentaux ont fermement condamné l’attaque du Hamas contre Israël. Même s’ils disent reconnaître les « aspirations légitimes du peuple palestinien », les États-Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni se sont notamment affichés comme « alliés et amis de l’État d’Israël ». Mardi, l’Union européenne a néanmoins confirmé qu’elle maintenait son aide financière aux Palestiniens, soit 1,2 milliard d’euros jusqu’en 2024.

L’Iran : soutien indéfectible du Hamas

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Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei

L’Iran a été l’un des premiers pays à saluer la « fière opération » lancée par le Hamas, un mouvement que Téhéran défend ouvertement depuis de nombreuses années même si leurs relations ont connu des hauts et des bas. Le pays des mollahs nie cependant avoir joué un rôle dans cette attaque, contrairement à ce que laissait entendre cette semaine le Wall Street Journal.

Pays du Golfe : une diversité de points de vue

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Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane

L’offensive lancée par le Hamas a provoqué un élan de solidarité dans la rue arabe, le mot-clic « déluge d’Al-Aqsa » (du nom de cette attaque sans précédent) enflammant les réseaux sociaux.

Mais les réactions officielles, elles, sont beaucoup plus diverses.

Dans la foulée de la normalisation de leurs relations avec Israël (Accords d’Abraham, 2020), les Émirats arabes unis se sont dits « consternés » par la prise d’otages israéliens, une position sur laquelle s’est aligné Bahreïn. Pris entre l’arbre et l’écorce, les deux pays ont cependant appelé à une intensification des efforts diplomatiques pour « éviter une confrontation plus large ».

« Pas évident de justifier cette normalisation au moment où les télés arabes sont en train de montrer tous les dégâts et les victimes dans la bande de Gaza, explique Francesco Cavatorta, professeur de sciences politiques à l’Université Laval. En même temps, il ne faut pas s’attendre à ce que ces pays deviennent propalestiniens. Leur pari, j’imagine, est d’attendre que cette flambée de violence se termine pour qu’on retourne à la situation d’avant. »

De son côté, l’Arabie saoudite accuse « les forces d’occupation israéliennes » d’être à l’origine « d’une situation explosive ». Cette déclaration sans ambiguïté survient alors que Riyad et Tel-Aviv venaient d’entamer un rapprochement. Ce processus de normalisation est désormais « clairement remis en cause », estime Benjamin Toubol, doctorant en sciences politiques à l’Université Laval. Selon ce dernier, il est même « possible » que l’attaque du Hamas ait eu pour but de « faire dérailler » les négociations et « peut-être effrayer les pays du Golfe ».

Le Qatar blâme également Israël, position prévisible considérant qu’il héberge depuis 2016 le leader du Hamas en exil, Ismael Haniyeh.

Moscou et Pékin : une neutralité opportune

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Vladimir Poutine, président de la Russie

Ils dénoncent les violences, prônent la solution à deux États, mais ne condamnent pas le Hamas. Derrière leur apparente neutralité, Moscou et Pékin espèrent surtout profiter de la situation.

Pour Vladimir Poutine, le carnage de samedi est avant tout le résultat de « l’échec de la politique des États-Unis au Moyen-Orient ». Lors d’une rencontre à Moscou, mardi, avec le premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, le président russe a ainsi accusé Washington d’avoir « monopolisé » le règlement du conflit sans se soucier de « trouver des compromis acceptables pour les deux parties ».

Pour Maria Popova, professeure de sciences politiques à l’Université McGill, la situation est par ailleurs une aubaine pour Moscou, puisqu’elle oblige les États-Unis à s’investir sur un nouveau front. « La Russie n’a pas pris parti de façon claire, explique Mme Popova. Mais pour elle, ce nouveau développement est le bienvenu, parce qu’il détourne l’attention globale de son invasion de l’Ukraine. Cela contribue également au récit du Kremlin sur la multipolarité et la déstabilisation du monde, même si cette déstabilisation est largement de leur faute. »

En Chine, on évite aussi de prendre position. On se dit « profondément préoccupé par l’escalade de la tension », sans cibler de responsable. De passage en Chine, le sénateur démocrate américain Chuck Schumer s’est d’ailleurs dit « très déçu » que Pékin n’ait pas condamné l’attaque du Hamas de façon plus affirmative.

Pour Jeremy Paltiel, expert de la Chine à l’Université Carleton à Ottawa, cette neutralité était pourtant prévisible. « Je pense que la Chine veut se positionner du côté du Sud global contre l’hégémonie occidentale », résume-t-il.

Pékin, qui vient de faciliter la restauration des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, pourrait en outre vouloir jouer un rôle de médiateur dans le conflit, d’où sa retenue. Une ambition irréaliste, estime M. Paltiel. « La paix israélo-palestinienne est bien au-delà de leurs moyens et ils ne pourront pas remplacer les États-Unis dans ce domaine, même s’ils nourrissent cet espoir. »

Avec l’Agence France-Presse