Un tireur a ouvert le feu à proximité d’une synagogue située à Jérusalem-Est vendredi soir, faisant sept morts et trois blessés à l’issue d’une journée qui avait été ponctuée de multiples mises en garde quant au risque d’embrasement du conflit israélo-palestinien.

L’attaque, l’une des plus meurtrières à survenir en Israël depuis des années, a été imputée par les autorités policières à un Palestinien de 21 ans qui a été tué alors qu’il tentait de fuir.

Les services d’urgence ont indiqué que cinq personnes sont mortes sur place et deux autres à l’hôpital.

Un barbier habitant près de la synagogue, Shalom Borohov, a indiqué à l’Agence France-Presse que le « terroriste » avait ouvert le feu à partir de son véhicule sur les personnes sortant de la synagogue et continuait de tirer sur ceux qui approchaient pour aider les victimes.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, récemment reporté au pouvoir, s’est rendu sur les lieux du drame en soirée. Il a indiqué que des « mesures immédiates » avaient été retenues sans donner plus de précisions et a demandé à la population de ne pas chercher à se faire justice elle-même.

L’attentat contre la synagogue est survenu au lendemain d’un raid des forces israéliennes dans un camp de réfugiés situé à Jénine, en Cisjordanie, qui avait fait neuf morts et entraîné des menaces de vengeance de groupes armés palestiniens.

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Procession funéraire des victimes du raid de jeudi, au camp de Jénine

L’opération, au dire de Tel-Aviv, était dirigée contre des militants du Djihad islamique qui préparaient des attaques contre des civils et des militaires israéliens.

Un porte-parole du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a salué l’attentat de vendredi en relevant qu’il s’agissait d’une « réaction naturelle » à l’affrontement survenu la veille à Jénine.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, des roquettes avaient été tirées à partir du territoire enclavé, en guise de protestation, sans faire de victimes.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Israël a tiré des roquettes sur la bande de Gaza dans la nuit de jeudi à vendredi.

Le gouvernement israélien avait rétorqué en bombardant quelques cibles liées au Hamas, là encore sans faire de victimes.

Les États-Unis s’étaient dits « profondément préoccupés » durant la journée « par l’escalade de violence » en cours et avaient demandé, à l’instar de la France, « aux parties impliquées de chercher de manière urgente » à désamorcer la crise.

Le président Joe Biden a appelé Benyamin Nétanyahou vendredi soir pour l’assurer du soutien des États-Unis après l’« atroce attaque terroriste » qu’il a qualifié d’« attaque contre le monde civilisé », selon un communiqué de la Maison-Blanche.

Situation explosive

Jake Walles, spécialiste du Moyen-Orient rattaché au Carnegie Endowment for International Peace, a indiqué vendredi qu’il s’attendait à ce que les forces israéliennes ciblent la bande de Gaza à court terme en contrepartie des revendications articulées par le Hamas.

Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa, croit que M. Nétanyahou voudra se montrer ferme face aux groupes armés palestiniens.

D’autant plus, dit-il, qu’il compte dans ses rangs des élus d’extrême droite qui préconisent la ligne dure face aux revendications palestiniennes et toute forme de violence qui peut en découler.

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À Gaza, des Palestiniens se réjouissent de l’attaque menée à Jérusalem-Est vendredi soir.

L’approche du gouvernement constitue une difficulté de taille pour l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui a annoncé vendredi sa décision de ne plus collaborer avec les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie pour souligner son indignation face au « massacre » de Jénine.

M. Juneau note que l’organisation palestinienne, qui ne contrôle pas la bande de Gaza, est minée par la corruption et dispose d’une faible crédibilité auprès de la population palestinienne sous sa gouverne, ce qui augmente l’attrait de groupes radicaux comme le Djihad islamique.

Le pourrissement de l’Autorité palestinienne et la radicalité du nouveau gouvernement israélien rendent les conditions sur le terrain encore plus propices à la violence.

Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université d’Ottawa

M. Walles note que les États-Unis ont eu tendance à négliger le conflit israélo-palestinien pour se concentrer sur la Chine et le conflit ukrainien, favorisant les dérapages.

Le secrétaire d’État, Antony Blinken, était déjà attendu dans la région avant l’attentat. Il doit se rendre à Jérusalem lundi et à Ramallah, en Cisjordanie, mardi.

Issue difficile à trouver

Il aura fort à faire pour convaincre les deux camps de calmer le jeu, relève M. Walles, qui s’attend à ce que la présence du représentant américain amène possiblement les autorités israéliennes à tempérer leur réponse à l’attentat à court terme.

Sami Aoun, un autre spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université de Sherbrooke, note que Benyamin Nétanyahou ne peut se permettre de réagir avec réserve aux attaques palestiniennes sans susciter l’ire de ses partenaires de coalition.

PHOTO RONEN ZVULUN, REUTERS

Le premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou, s’est rendu sur les lieux de l’attentat, vendredi soir.

Il risque cependant, en adoptant une réponse trop collée à leurs impératifs, de compromettre les rapprochements diplomatiques réalisés lors de son précédent passage au gouvernement avec de nombreux États arabes, dont les Émirats arabes unis.

Thomas Juneau, qui revient de la région, note qu’il y a beaucoup « d’inconfort » dans ces pays relativement à la situation de la population palestinienne et à l’absence de tout progrès dans la recherche d’une solution durable au conflit israélo-palestinien.

M. Walles ne voit aucun espoir de déblocage relativement aux enjeux de fond dans le contexte actuel.

« Les choses vont aller plus mal avant qu’elles puissent aller mieux », avait-il prévenu vendredi en entrevue avec La Presse, quelques heures avant l’attentat.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press