(Paris) Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles lundi pour réprimer des manifestations dans les régions kurdes de l’ouest de l’Iran, a indiqué le groupe de défense des droits des Kurdes d’Iran Hengaw, basé en Norvège.

Le groupe a fait état de 13 morts en 24 heures dans ces régions, mais ce chiffre n’a pu être vérifié dans l’immédiat.

Hengaw a posté des vidéos montrant selon elle les forces de l’ordre tirant à balles réelles dans les villes de Piranchahr, Marivan et Javanroud.

Des renforts ont été envoyés ces derniers jours dans les régions kurdes, l’un des foyers du mouvement de contestation déclenché le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict imposant aux femmes de porter le voile en public.

Les manifestations s’y sont récemment intensifiées, notamment à l’occasion des funérailles des manifestants tués par les forces de sécurité.

Selon Hengaw, au moins sept personnes ont été tuées à Javanroud, quatre à Piranchahr et deux dans d’autres localités.

PHOTO FOURNIE, VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Des manifestants et des membres des forces de sécurité à Javanroud, où sept personnes auraient été tuées par des balles réelles, lundi.

L’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, a également posté des images montrant, selon elle, les forces de sécurité tirer à balles réelles à Piranchahr et le chagrin d’une mère prostrée devant la dépouille d’un adolescent de 16 ans tué dimanche, juste avant son enterrement.

« Mère, ne pleure pas, nous allons nous venger », ont crié en kurde des personnes présentes à ses côtés, d’après l’ONG.

Internet perturbé

Une autre vidéo postée par Hengaw montre ce que le groupe présente comme des habitants de Javanroud qui tentent d’évacuer un corps dans une rue en essayant de se protéger des tirs.  

D’autres images montrent des forces de sécurité lourdement armées se dirigeant de la ville de Sanandaj, la capitale de la province du Kurdistan, vers celles de Mahabad et Boukan.

L’ONG Center for Human Rights in Iran (CHRI) basée à New York a évoqué « des tirs incessants et des images de personnes en sang évacuées pour être mises à l’abri » à Javanroud.

Le site NetBlocks, qui observe les blocages de l’internet à travers le monde, a signalé lundi une « importante perturbation » de l’accès à internet durant les dernières manifestations, précisant que « l’accès à l’internet mobile était coupé pour de nombreux utilisateurs ».

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est déclaré sur Twitter « grandement préoccupé par le fait que les autorités iraniennes accentuent la violence contre les manifestants, en particulier à Mahabad », dans la province de l’Azerbaïdjan occidental.

À Doha, les 11 joueurs iraniens se sont abstenus de chanter leur hymne national avant leur premier match du Mondial-2022.

Le slogan symbole du mouvement, « Femmes Vie Liberté », est apparu avant le coup d’envoi sur une banderole dans un virage du stade occupé par les Iraniens, avant de disparaître. Des « Azadi ! Azadi ! » (« Liberté ! Liberté ! ») se sont aussi parfois élevés des tribunes.  

Frappes en Irak

Les Kurdes représentent l’une des principales minorités ethniques en Iran-environ 10 millions sur 83 millions d’habitants-et adhèrent majoritairement à l’islam sunnite et non au chiisme dominant dans le pays.

Au moins 378 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon un dernier bilan de l’IHR.

Parmi elles, 255 ont péri lors des protestations liées à la mort de Mahsa Amini et 123 dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), dont plus de 90 le 30 septembre dans la capitale provinciale Zahedan, lors de manifestations contre le viol d’une adolescente imputé à un policier.

Lundi, un policier a été tué et un autre blessé par des tirs de « malfaiteurs » à Zahedan, a indiqué à l’agence Fars le général Mohammad Ghanbari, le chef de la police provinciale. Les assaillants ont pris la fuite.  

Par ailleurs, les forces iraniennes ont bombardé des groupes d’opposition kurdes iraniens basés au Kurdistan d’Irak voisin, tuant un combattant de ces factions accusées d’attiser les manifestations en Iran.

C’est la deuxième fois en moins de 10 jours que les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran, lancent des attaques aux drones et missiles contre le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) et le groupe nationaliste kurde iranien Komala, installés depuis des décennies dans la région du Kurdistan autonome (nord).

La peine de mort utilisée pour réprimer les contestations

L’Iran, déjà l’un des pays exécutant le plus de condamnés au monde, entend utiliser la peine de mort pour stopper le mouvement de contestation en instaurant un climat de peur dans la population, dénoncent des ONG.

La justice a déjà prononcé six condamnations à mort depuis le début des manifestations liées à la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans arrêtée pour infraction au code vestimentaire.

Ce nombre devrait augmenter puisque, selon Amnistie internationale, au moins 21 personnes sont actuellement jugées pour des crimes passibles de la pendaison.

L’Iran est le pays qui exécute le plus au monde en dehors de la Chine, selon les groupes de défense des droits de la personne. Au moins 314 personnes y ont été mises à mort en 2021 d’après l’ONG, tandis que le groupe Iran Human Rights (IHR), basé en Norvège, fait état de plus de 482 exécutions cette année.

Pour Amnistie, les « simulacres de procès » organisés ces dernières semaines par les autorités sont « destinés à intimider ceux qui participent au soulèvement populaire et à dissuader d’autres personnes de rejoindre le mouvement ».

Cette stratégie vise à « instiller la peur au sein de la population », ajoute l’organisation, qui fustige « une escalade effrayante dans l’utilisation de la peine de mort comme outil de répression politique ».