(Téhéran) L’Iran a affirmé jeudi avoir fabriqué un missile hypersonique capable « de traverser tous les systèmes de défense antimissile », suscitant l’inquiétude de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) au moment où les négociations sur le programme nucléaire du pays sont au point mort.

Le missile hypersonique, une arme manoeuvrable, évolue à des vitesses supérieures à 6000 kilomètres à l’heure, soit cinq fois la vitesse du son.

« Ce missile balistique hypersonique peut contrer les boucliers de défense antiaérienne », a déclaré le général Amirali Hajizadeh, le commandant de la Force aérospatiale des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de l’Iran.

« Il pourra traverser tous les systèmes de défense antimissile et je ne pense pas qu’il existera avant des décennies une technologie pour y faire face », a-t-il assuré, cité par l’agence Fars.

Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, a estimé que cette annonce « renforçait les inquiétudes » concernant le programme nucléaire iranien.  

« Le cœur de notre travail est le nucléaire, mais bien sûr rien ne peut être pris isolément. Nous voyons toutes ces annonces qui renforcent les inquiétudes, renforcent l’attention du public concernant le programme nucléaire iranien », a déclaré Rafael Grossi à l’AFP, lors d’un entretien en marge de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Il a cependant ajouté que cette annonce ne « devrait pas avoir d’influence » sur les négociations autour du programme nucléaire de l’Iran.

La Russie en avance

À l’inverse des missiles balistiques, les missiles hypersoniques volent à basse altitude dans l’atmosphère et sont manœuvrables, ce qui rend leur trajectoire difficilement prévisible et leur interception difficile.

La Russie, la Corée du Nord et les États-Unis avaient annoncé en 2021 avoir procédé à des essais de missiles hypersoniques, ravivant les craintes d’une nouvelle course aux armements. Mais c’est la Russie qui a pris une longueur d’avance, annonçant en mars avoir utilisé des missiles hypersoniques Kinjal en Ukraine, quelques semaines après le début de l’invasion le 24 février.

La Chine a plusieurs projets, qui semblent directement inspirés des programmes russes, selon une étude du centre de recherche du Congrès américain.

L’annonce iranienne survient alors que les Occidentaux tentaient depuis plus d’un an de relancer l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 entre les grandes puissances et Téhéran.

Cet accord visant à empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique en échange d’une levée des sanctions internationales est en déliquescence depuis le retrait unilatéral en 2018 des États-Unis sous la présidence de Donald Trump, qui a entraîné l’affranchissement progressif par Téhéran de ses obligations.

Les négociations, déjà dans l’impasse, semblent aujourd’hui impossibles.

À Vienne, l’AIEA a réitéré, dans un rapport consulté jeudi par l’AFP, sa « vive inquiétude » sur le fait qu’il n’y a « toujours pas de progrès » dans les discussions avec l’Iran sur la question de trois sites non déclarés, où ont été retrouvées des traces d’uranium enrichi.

Le 5 novembre, l’Iran avait par ailleurs annoncé avoir testé avec « succès » une fusée capable de transporter des satellites dans l’espace.

Les gouvernements occidentaux craignent que les systèmes de lancement de satellites n’intègrent des technologies interchangeables avec celles utilisées dans les missiles balistiques capables de livrer une ogive nucléaire, ce que l’Iran a toujours nié vouloir construire.

Téhéran insiste sur le fait que son programme spatial est à des fins civiles et de défense uniquement, et ne viole pas l’accord de 2015 ni aucun autre accord international.

Avertissement à l’Arabie saoudite

Alors que l’Iran et la Russie, tous deux frappés par des sanctions occidentales, ont opéré un rapprochement ces derniers mois, Téhéran avait reconnu le 5 novembre avoir livré des drones à la Russie, mais avant la guerre en Ukraine. Kyiv et les Occidentaux accusent Moscou d’utiliser des drones iraniens pour ses attaques contre civils et infrastructures.

L’Iran, secoué depuis près de deux mois par des manifestations déclenchées par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne arrêtée par la police des mœurs, accuse ses « ennemis », en particulier les États-Unis, de vouloir déstabiliser le pays.

Mercredi, Téhéran a averti les pays de la région, notamment l’Arabie saoudite, qu’il riposterait à toute action de déstabilisation visant la République islamique.

« Pour l’Iran, toute instabilité dans les pays de la région est contagieuse, et toute instabilité en Iran peut être contagieuse pour les pays de la région », a déclaré le ministre iranien des Renseignements, Esmaïl Khatib, cité par le site Khamenei IR.