Pour la cinquième fois en moins de quatre ans, la population d’Israël retournera, selon toute vraisemblance, aux urnes le 25 octobre. La coalition en poste n’a pu conserver le pouvoir. Que s’est-il passé et à quoi doit-on s’attendre ?

Qui forme l’actuel gouvernement israélien ?

Lors des élections du 23 mars 2021, le parti Likoud (droite) mené par Benyamin Nétanyahou est arrivé en tête avec 30 sièges. Ce dernier a formé un gouvernement de coalition tombé deux mois plus tard. En juin 2021, une fragile coalition s’est formée autour du parti Yesh Atid (centre) de Yaïr Lapid, qui détenait 17 sièges. M. Lapid a fait alliance avec Naftali Bennett, du parti Yamina (droite radicale), détenant sept sièges, et six autres partis, dont une formation arabe. Pour la première fois depuis 2009, M. Nétanyahou n’était plus premier ministre. MM. Lapid et Bennett se sont entendus pour être premier ministre en alternance. C’est ce dernier qui était premier ministre au moment où la coalition a été renversée, il y a quelques jours.

PHOTO OREN BEN HAKOON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Benyamin Nétanyahou, ancien premier ministre d’Israël

Qu’est-ce qui a mené à la dissolution ?

La très fragile coalition de 60 députés (61 jusqu’en avril 2022) sur 120 sièges a été battue sur le vote du renouvellement, nécessaire tous les cinq ans, d’une loi assujettissant les colons israéliens en Cisjordanie au droit pénal et à certaines lois civiles (impôt, assurance maladie) israéliens. Autrement dit, les colons vivent comme s’ils se trouvaient en Israël alors que les Palestiniens sont assujettis à la loi militaire de Tsahal.

Comment la coalition a-t-elle éclaté ?

Deux députés qui en étaient membres ont voté avec l’opposition construite autour de Benyamin Nétanyahou. « M. Nétanyahou a voté contre le renouvellement de la loi uniquement pour des raisons politiques, dit Yakov Rabkin, professeur émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal, joint à Saint-Pétersbourg, où il séjourne. Il a donc voté avec les Palestiniens, non pas parce qu’il est proche d’eux, mais simplement pour faire tomber le gouvernement. »

Quelles raisons le premier ministre Bennett a-t-il évoquées en appelant à la dissolution de la Chambre ?

« Avec l’expiration de cette loi, Israël risquait de sérieux problèmes sécuritaires et un chaos légal. Je ne pouvais pas admettre cela », a déclaré M. Bennett. Or, selon le journal The Times of Israel, son parti (Yamina) obtient ses principaux appuis chez les colons de Cisjordanie. M. Bennett a aussi voulu court-circuiter l’opposition qui, croit-on, se proposait elle-même d’appeler à un vote de dissolution.

La population est-elle excédée de ces incessants appels aux urnes ?

« Ça dépend pour qui, répond Assaf Shapira, de l’Israel Democracy Institute, en entrevue téléphonique depuis Israël. Les électeurs sont divisés en deux grands blocs. Mais ce n’est pas la gauche et la droite. C’est entre les pro-Bibi et les anti-Bibi. » Bibi, on l’aura compris, étant le surnom de M. Nétanyahou. « M. Bennett n’est pas heureux de ce qui se passe, mais il devait s’attendre à ce que la coalition ne survive pas. »

PHOTO TSAFRIR ABAYOV, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Une électrice marche près d’affiches électorales de Benyamin Nétanyahou, à Yavne, le 23 mars 2021, jour des dernières élections en Israël.

Qu’en est-il des accusations de corruption portées à l’endroit de Benyamin Nétanyahou ?

À la suite de recommandations de la police d’Israël, des accusations de corruption ont été portées contre l’ancien premier ministre qui tente de reprendre le pouvoir. La pandémie a retardé le processus judiciaire. Le procès est toujours en cours.

À quoi s’attendre des prochaines législatives ?

MM. Rabkin et Shapira ne s’attendent pas à de grands changements dans la composition du Parlement (Knesset). « Ce qui est en jeu, ce sont les personnalités, dit M. Rabkin. Sur le plan de la substance, la situation politique israélienne est très stable. » « Le Likoud va continuer à avoir le plus de sièges, prévoit de son côté M. Shapira. Bien sûr, d’un point de vue démocratique, on souhaite qu’une élection porte sur des enjeux d’économie, d’environnement ou de sécurité. Mais l’issue principale tournera à nouveau autour d’élire Nétanyahou… ou pas.. Par contre, on peut se demander comment vont se former les alliances des plus petites formations. »

Que va-t-il se passer d’ici le 25 octobre ?

Comme MM. Lapid et Bennett s’étaient entendus sur l’alternance, ce dernier va abandonner son poste de premier ministre et laisser la place à Yaïr Lapid. C’est donc ce dernier qui, en tant que nouveau premier ministre, accueillera le président américain Joe Biden, attendu en visite le 13 juillet en Israël. Par ailleurs, de récents sondages indiquent que le Likoud est en tête des intentions de vote, mais que son leader, Benyamin Nétanyahou, peinera à former une majorité. L’impasse cyclique risque donc de se poursuivre à la Knesset.

Avec The Times of Israel

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  • 67,44 %
    Proportion des électeurs inscrits qui sont allés voter aux élections du 23 mars 2021 en Israël
    Source : votes24.bechirot.gov