(Kaboul) Les tirs de l’armée pakistanaise contre l’est de l’Afghanistan samedi ont fait une cinquantaine de morts, selon de nouveaux bilans communiqués dimanche par des responsables afghans, le Pakistan exigeant de Kaboul « des mesures sévères » contre les militants qui attaquent son propre territoire.

Depuis que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan l’an dernier, les tensions frontalières entre les deux pays se sont accrues, le Pakistan affirmant que des groupes armés, comme le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), mènent des attaques depuis le sol afghan, à travers une frontière notoirement poreuse.

« Quarante et un civils, principalement des femmes et des enfants, ont été tués, et 22 ont été blessés dans des raids aériens menés par les forces pakistanaises près de la ligne Durand dans la province de Khost », a déclaré Shabir Ahmad Osmani, directeur de l’information et de la culture à Khost.  

Deux autres responsables ont confirmé ce bilan à Khost. Un autre responsable afghan avait fait état samedi de 6 morts dans la province de Kunar.

« Des hélicoptères pakistanais ont bombardé quatre villages près de la ligne Durand dans la province de Khost. Seules des maisons civiles ont été visées et il y a eu des victimes », avait dit samedi un responsable afghan sous couvert d’anonymat, sans plus de détails.

Des images de maisons détruites lors de l’assaut ont été diffusées par Tolo News, la principale chaîne privée afghane.

« Toutes les personnes visées étaient des civils innocents qui n’avaient rien à voir avec les talibans ou le gouvernement », a déclaré à la chaîne Rasool Jan, un habitant de Khost.

« Nous ne savons pas qui est notre ennemi et pourquoi nous avons été visés », a-t-il ajouté.

Des centaines de civils ont manifesté samedi à Khost, en scandant des slogans antipakistanais, selon des photographies obtenues par l’AFP.

Selon Najibullah, un responsable du ministère afghan de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice, le bilan de ces attaques s’élève à 48 morts dans la province de Khost.

« Vingt-quatre personnes ont été tuées au sein d’une même famille », a-t-il dit à l’AFP.  

Jamshid, chef tribal de la province de Khost a également estimé que le bilan dépassait les 40 morts.

« Hier, je me suis rendu sur place accompagné d’autres personnes pour donner du sang aux blessés dans les frappes de Khost », a-t-il dit.

L’armée pakistanaise n’a pas confirmé avoir mené ces attaques.

Le Pakistan s’est contenté d’appeler dimanche le gouvernement taliban de Kaboul à prendre des « mesures sévères » contre les militants qui lancent des attaques contre le pays depuis l’intérieur de l’Afghanistan.  

« Le Pakistan, une fois de plus, condamne fermement les terroristes qui opèrent en toute impunité depuis le sol afghan pour mener des activités au Pakistan », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué dimanche.

Islamabad a demandé au gouvernement afghan « de sécuriser la région frontalière pakistano-afghane et de prendre des mesures sévères contre les individus impliqués dans des activités terroristes au Pakistan ».

Jeudi, sept soldats pakistanais avaient été tués dans le district du Nord-Waziristan par des « terroristes opérant depuis l’Afghanistan », a indiqué le ministère.  

Les talibans afghans nient abriter des militants pakistanais et dénoncent la clôture qu’Islamabad érige pour sécuriser cette frontière longue de plus de 2000 km, connue comme la ligne Durand, nom hérité de l’époque coloniale.

« Inimitié »

L’Aghanistan a mis en garde samedi le Pakistan. « Nous mettons en œuvre toutes les mesures pour empêcher la répétition (de telles attaques) et demandons que notre souveraineté soit respectée. La partie pakistanaise doit savoir que si une guerre éclate, elle ne sera dans l’intérêt d’aucune des parties », a prévenu le porte-parole du gouvernement, Zabihullah Mujahid.

« C’est cruel et cela ouvre la voie à l’inimitié entre l’Afghanistan et le Pakistan », a déploré le porte-parole.

Les talibans afghans et le TTP sont des groupes distincts dans les deux pays, mais ils partagent une idéologie commune et s’appuient sur les personnes qui vivent de part et d’autre de la frontière.  

Des milliers de personnes traversent habituellement la frontière chaque jour, notamment des commerçants, des Afghans cherchant à se faire soigner au Pakistan et des personnes rendant visite à des proches.