Intercepté à un poste de contrôle par des talibans en janvier, le Québécois François-Xavier Paradis-Garneau dit avoir subi une « inspection » plutôt qu’une arrestation

Près de deux mois et demi après avoir été intercepté par les talibans à un poste de contrôle, un jeune Québécois affirme dans sa première entrevue avec un média canadien qu’il n’entretient aucun lien avec le groupe État islamique, contrairement aux soupçons rapportés à l’époque.

Le 14 janvier dernier, le réseau de télévision Global News a révélé que François-Xavier Paradis-Garneau avait été arrêté par les talibans, durant son séjour en Afghanistan. Selon la chaîne, les autorités afghanes soupçonnaient l’homme de 23 ans d’entretenir des liens avec le groupe État islamique, mais elles n’avaient pas fourni de preuves ou porté d’accusations en ce sens. Il aurait été libéré trois jours après son interception. Dans une entrevue avec La Presse, il raconte une histoire bien différente.

Voyageur aguerri, M. Paradis-Garneau affirme s’être rendu au Pakistan en septembre. Le bachelier en linguistique et littérature anglaises aurait ensuite mis le cap sur l’Afghanistan en décembre, estimant que la situation était désormais sécuritaire. Les talibans venaient de reprendre le pouvoir en août, après le retrait des troupes étrangères présentes au pays. Ce départ a mis un terme à 20 ans de guerre déclenchée par l’intervention d’une coalition internationale menée par les Américains, lancée après les attentats du 11 septembre 2001. Moins d’un mois après son arrivée au pays, il a été intercepté à un poste de contrôle.

François-Xavier Paradis-Garneau dit avoir « été vraiment bien traité » par ceux qui ont interrompu son voyage dans la province de Farah, dans l’ouest du pays. Il parle d’une « inspection » pour vérifier son identité, plutôt que d’une arrestation. « Je n’étais pas totalement libre, je ne pouvais pas partir, relate-t-il. Mais je n’avais pas de menottes. Les gars m’invitaient à manger du poulet avec eux. »

Le voyageur dit ne pas s’être inquiété, car il avait vécu un incident semblable une première fois durant son voyage en Afghanistan et il s’était « senti en sécurité ».

Originaire de la ville de Québec, l’homme dément tout lien avec le groupe État islamique. Un policier afghan chargé des relations diplomatiques, Ahmad Abdullah, a confirmé à La Presse les propos de M. Paradis-Garneau. « Le problème qu’il a rencontré dans la province de Farah est dû à une mauvaise communication, explique l’agent de la paix, joint à Kaboul. Il ne comprenait pas le pachto [l’une des langues parlées en Afghanistan] et les employés au poste de contrôle ne comprenaient pas l’anglais. »

Après cet incident, le gouvernement aurait remis à M. Paradis-Garneau une lettre, que La Presse a consultée, affirmant qu’il est bel et bien allé au pays « avec un visa légal de tourisme ». Un document qui l’a aidé lors de son passage aux autres postes de contrôle, assure-t-il.

Contacté par La Presse au sujet du reportage concernant l’interception de M. Paradis-Garneau, le réseau de télévision Global News n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

Sur le sol afghan

De retour au Pakistan depuis le 28 février, François-Xavier Paradis-Garneau raconte avoir fait un voyage de 10 semaines durant lequel il a visité les quatre coins de l’Afghanistan. Avant de partir, il assure s’être informé sur la situation du pays auprès du consulat de l’Afghanistan au Pakistan, ainsi qu’auprès de personnes jointes par l’entremise du réseau d’hébergement temporaire Couchsurfing.

Après avoir obtenu un visa, M. Paradis-Garneau dit avoir traversé en Afghanistan le 18 décembre, au poste frontalier de Torkham, à 200 km à l’est de Kaboul. Dans la capitale, il a rencontré Ahmad Abdullah, le policier chargé des relations diplomatiques, pour faire approuver son voyage auprès des autorités, raconte-t-il.

Il m’a interrogé pour savoir si j’étais vraiment un touriste et non un espion.

François-Xavier Paradis-Garneau, à propos d’Ahmad Abdullah, policier chargé des relations diplomatiques

François-Xavier Paradis-Garneau aurait montré son téléphone à M. Abdullah et ce dernier lui aurait souhaité « un bon séjour », relate-t-il.

Le voyageur s’est ensuite rendu dans la province de Badghis, dans le nord-ouest du pays. Ayant vu peu d’Occidentaux, les gens de la région pensaient qu’il venait « pour une campagne de vaccination contre la polio », relate-t-il.

À cet endroit, il dit avoir été intercepté une première fois dans son voyage par un chef local, le 28 décembre. L’homme lui a demandé d’attendre dans sa maison, le temps de vérifier s’il « était vraiment » qui il prétendait être. « Il m’a vraiment traité respectueusement », rapporte M. Paradis-Garneau. Après trois jours, il a pu poursuivre sa route, affirme-t-il.

Le voyageur a atterri dans la province de Farah, le 9 janvier, en faisant de l’auto-stop. Les agents d’un poste de contrôle auraient d’abord tenté de lui trouver une place à bord d’une voiture pour qu’il continue son voyage, raconte M. Paradis-Garneau. Sans succès. « Ils ont appelé leur patron qui ne m’avait jamais rencontré, relate-t-il. Il a alors dit aux gars de m’emmener en tant qu’invité dans leur bâtiment. » Pour s’assurer qu’il était vraiment en Afghanistan en tant que touriste, les employés ont fait venir des gens d’autres villages qui parlaient anglais, dit-il.

Trois jours plus tard, M. Paradis-Garneau a eu le feu vert pour repartir, soutient-il. Il a mis le cap sur Kandahar, au sud, où il a constaté que l’histoire de son interception avait fait les manchettes au Canada, le 14 janvier. Une nouvelle qui a surpris sa mère, raconte-t-il. « Elle s’est dit : “Voyons, je lui ai parlé ce matin !” relate-t-il. Je lui ai dit que ce qu’elle avait vu à Global News datait d’il y a quatre ou cinq jours. »

PHOTO FOURNIE PAR FRANÇOIS-XAVIER PARADIS-GARNEAU

François-Xavier Paradis-Garneau en visite dans le district de Chahar Burjak, dans la région de Nimroz, dans le sud-ouest de l’Afghanistan

Cet incident n’a pas arrêté M. Paradis-Garneau : il a poursuivi son voyage durant un mois et demi en Afghanistan. Il s’est notamment rendu dans les provinces de Nimroz et de Helmand, dans le Sud-Ouest. « J’ai visité des nomades et j’ai goûté à du lait de chameau », se remémore-t-il.

Des gens « hospitaliers »

Ce n’était pas son premier voyage du genre, affirme François-Xavier Paradis-Garneau. En 2019, il a voyagé de l’Égypte au Rwanda, en passant par le Soudan, où la situation était alors instable.

Lorsque M. Paradis-Garneau pense à la population afghane, il dit ne jamais avoir vu des gens « si hospitaliers ». Des Afghans rencontrés à bord des autobus lui proposaient chaque fois de l’héberger chez eux, relate-t-il.

S’il raconte s’être rendu en Afghanistan pour faire un « voyage de découverte » et non pour parler de politique, le voyageur admet qu’il s’agit « d’une période compliquée » pour le pays.

Depuis la prise du pouvoir par les talibans, des restrictions sur l’éducation et le travail ont été imposées aux femmes et aux filles. Des dissidents ont été arrêtés et des manifestations ont été réprimées par la force.

Contacté par La Presse au sujet de l’interception de M. Paradis-Garneau, Affaires mondiales Canada dit ne pas pouvoir « fournir des renseignements sur la situation » pour des raisons de confidentialité et de sécurité. L’ambassade d’Afghanistan à Ottawa n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Affaires Mondiales Canada conseille d’éviter tout voyage en Afghanistan, en raison de la situation en matière de sécurité qui demeure « extrêmement instable et imprévisible ». L’ambassade du Canada a suspendu ses activités au pays, ce qui limite l’accès aux services consulaires, selon le site du Ministère.