(Tunis) Des juges ont observé mercredi une grève, qui a touché un grand nombre de tribunaux en Tunisie, pour protester contre la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le président Kais Saied.  

Après avoir suspendu le Parlement élu et limogé le gouvernement en juillet, le président Saied a dissous samedi le CSM, une instance indépendante créée en 2016 pour nommer les juges, qu’il accuse de « partialité » et d’être sous l’influence du parti islamo-conservateur Ennahdha, sa bête noire.

La grève, qui doit se poursuivre jeudi, a eu lieu à l’appel de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) dont le président Anas Hamadi a assuré que le mouvement avait été largement suivi.

« Selon notre compilation qui est toujours en cours, il y a eu une large réponse des magistrats, plus de 70 %, à l’appel à la grève », a déclaré M. Hamadi, ajoutant qu’une « minorité » ne l’avait pas suivie.

Par cette première étape de notre mobilisation nous exprimons notre refus de cette décision individualiste du président et qui représente un danger contre l’État et contre l’un des importants piliers du régime démocratique qui est le pouvoir judiciaire.

Le président de l’Association des magistrats tunisiens Anas Hamadi

Une organisation importante, le Syndicat des magistrats, qui prône une réforme de la magistrature « loin des tiraillements politiques », n’a pas soutenu le mot d’ordre de grève de l’AMT.

Le président Saied a essuyé un flot de critiques dans son pays mais aussi des Occidentaux après sa décision controversée de dissoudre le CSM, vue comme un revers démocratique dans le berceau du Printemps arabe.

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Le président tunisien Kais Saied

Dans un communiqué publié mercredi, 45 associations et ONG, dont Avocats Sans Frontières et l’Organisation mondiale contre la Torture (OMCT), ont condamné la dissolution du CSM et rejeté « toute interférence de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice ».

« Malgré des lacunes, le CSM reste la seule structure qui garantisse l’indépendance institutionnelle de la justice en conformité avec la Constitution ».

Même si « une réforme structurelle du système judiciaire est nécessaire », elle « ne peut en aucun cas être accomplie en concentrant les pouvoirs dans les mains d’une seule personne et dans des circonstances exceptionnelles » et « en l’absence de piliers de l’État de droit » comme la Cour constitutionnelle et le Parlement.