(Dubaï) La presse des monarchies arabes du Golfe accueille jeudi avec peu d’enthousiasme l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, craignant qu’il ne reprenne les choix diplomatiques de l’ex-président américain Barack Obama, qu’elle juge trop conciliants avec l’Iran.

Les dirigeants d’Arabie saoudite, de Bahreïn, des Émirats arabes unis, du Qatar et du Koweït, ont adressé leurs félicitations au nouveau président américain.

Le prince Fayçal ben Farhane Al-Saoud, ministre saoudien des Affaires étrangères, a fait part de son optimisme concernant les relations « excellentes » à venir entre Washington et Riyad.

Les nominations de M. Biden pour sa nouvelle administration « montrent une compréhension des enjeux communs », a-t-il dit à la télévision Al-Arabiya.

Pendant la campagne présidentielle, M. Biden s’était pourtant engagé à traiter le royaume comme un « paria » en raison de ses atteintes aux droits humains et à ne plus soutenir la coalition militaire emmenée par l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen.

« Au revoir, Trump, bienvenue Biden », écrit sobrement le chroniqueur saoudien Aberrahmane Al-Rached dans le quotidien Asharq al-Awsat.

Comme de nombreux commentateurs du Golfe, généralement proches des cercles dirigeants, M. Rached dit craindre de voir la politique de la nouvelle administration américaine répliquer celle de M. Obama, dans laquelle M. Biden était vice-président.

Contrairement à Donald Trump, qui a adopté une politique de « pression maximale » à l’égard de Téhéran, M. Biden devrait revenir à une politique plus conventionnelle vis-à-vis de l’Iran, grand rival régional de l’Arabie saoudite.

Sous Trump, les États-Unis se sont retirés unilatéralement de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 avec Téhéran et ont assassiné le général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie iranienne au Moyen-Orient.

À Bahreïn, le quotidien Akhbar Al-Khaleej regrette même le départ de M. Trump, en soulignant qu’il mérite « remerciements et reconnaissance ».

« Les positions de M. Trump sur l’Iran ont créé une nouvelle réalité […] et il sera difficile pour l’administration Biden de les renier complètement », estime toutefois le chroniqueur d’Akhbar Al-Khaleej, Sayed Zahra.

Il ajoute que l’administration Obama a soutenu « des forces destructrices dans les pays arabes, cherchant à leur donner le pouvoir », en allusion au soutien supposé de cette administration aux Frères musulmans, en Égypte et ailleurs.

« Attendre six mois »

Quelques heures avant de quitter ses fonctions, M. Trump a décerné la Légion du Mérite, une haute distinction américaine, au roi de Bahreïn, Hamad ben Issa Al-Khalifa.

Le quotidien saoudien Okaz se demande si la nouvelle administration américaine va « donner l’accolade aux alliés » que sont les pays arabes du Golfe, ou « renouer avec leurs ennemis », en allusion à l’Iran.

À Téhéran, la presse iranienne était divisée entre journaux conservateurs, selon lesquels MM. Trump et Biden sont bonnet blanc et blanc bonnet, et les quotidiens réformateurs et modérés, qui accueillent l’arrivée d’un nouveau président à Washington avec une prudence mêlée d’attentes de changement.

« Investiture de Biden dans une ville vidée par les forces armées », ironise le journal ultraconservateur Kayhan au-dessus de photos montrant des soldats et une avenue déserte de la capitale américaine.

L’éditorial du quotidien moque « le vieux Biden » et ceux qui « mettent leur espoir en lui » en Iran.

Autre organe ultra, Javan soupçonne le gouvernement Biden de vouloir « utiliser le multilatéralisme » contre Téhéran « en coordination avec ses alliés arabes du golfe Persique et Israël ».

Mercredi, le président Hassan Rohani, un modéré, avait salué le départ du « tyran » Trump. Le journal gouvernemental Iran estime jeudi qu’« il faudra attendre au moins six mois pour savoir avec certitude ce que seront les choix politiques » de M. Biden.

« Trump est parti », titrent en première page Sazandégui (réformateur) et le quotidien économique Donya-yé Eqtessad, rappelant la célèbre une (« Chah raft », « Le Chah est parti ») du journal Ettelaat, annonçant en janvier 1979 le départ du dernier souverain du pays, quelques semaines avant la victoire de la révolution iranienne.

Pour Sazandégui, « l’ère Biden s’ouvre entre la crainte et l’espoir ».