(Ottawa) Au moment où les premiers flocons recouvraient la capitale afghane de Kaboul, au début du mois, Mary-Ellen McGroarty méditait sur le rude hiver qui pointe à l’horizon et la COVID-19 était loin sur sa liste de priorités.

Contrairement à une bonne partie du reste de la planète, où les inquiétudes liées au variant Omicron et à la cinquième vague de la pandémie prennent toute la place, les Afghans sont bien plus inquiets de la famine qui frappe leur pays, a souligné Mme McGroarty directrice du Programme alimentaire mondial en Afghanistan.

« Il neige aujourd’hui à Kaboul. Il fait incroyablement froid, c’est lamentable », a-t-elle confié lors d’un récent entretien depuis la capitale afghane.

« Chaque fois que je sors et que je parle à des gens, les deux sujets de discussion sont : “ Comment vais-je nourrir mes enfants ? ” et “ Comment vais-je garder mes enfants au chaud cet hiver ? ” », a-t-elle témoigné.

Quatre mois après que les milices talibanes ont renversé le gouvernement soutenu par les puissances occidentales, la famine et la malnutrition menacent environ 23 millions de citoyens, soit plus de la moitié de la population entière du pays.

Cette famine est provoquée par l’effondrement de l’économie qui a entraîné une inflation incontrôlée et la chute de la valeur de la monnaie. Cela veut dire que les aliments, le pétrole et le carburant nécessaires à chauffer les maisons sont devenus carrément inabordables pour de nombreuses personnes.

Le Programme alimentaire mondial et d’autres agences internationales toujours présentent en Afghanistan affirment qu’il faudra au moins 220 millions US par mois pour nourrir la population vulnérable et traverser la crise. Elles ajoutent que l’appel aux dons de gouvernements étrangers et de donateurs privés est urgent.

Le Canada a annoncé la semaine dernière qu’il contribuait à l’aide humanitaire en Afghanistan à hauteur de 56 millions. Un don promis en réaction à l’appel à l’aide des Nations unies et de la Croix-Rouge internationale. Cette somme s’ajoutait d’ailleurs à un précédent engagement du Canada de verser 57 millions cette année.

« Des millions de personnes ont un urgent besoin d’aide à travers l’Afghanistan et je vais faire tout ce qui est possible pour leur fournir l’aide dont ils ont besoin », a déclaré le ministre du Développement international Harjit Sajjan, qui a effectué trois missions dans ce pays au sein des Forces armées canadiennes.

Selon la directrice de Vision mondiale en Afghanistan, Asuntha Charles, la COVID-19 est réellement reléguée en arrière-plan dans la région d’Hérat, dans l’ouest du pays.

Les masques se font rares dans la troisième plus grande ville du pays et Mme Charles, elle doit régulièrement rappeler à son personnel qu’il y a encore une pandémie qui fait rage et qu’il fait appliquer des mesures préventives.

En septembre dernier, un quart des 37 hôpitaux du pays étaient fermés alors que le suivi de la pandémie, les tests de dépistage et la vaccination étaient délaissés. On visait à ce moment un taux de vaccination de 20 % de la population avant la fin de l’année. Selon les plus récentes données, c’est à peine 10 % de la population qui a reçu deux doses.

Aux dires de Mme Charles, personne ne parle de la COVID-19 en Afghanistan. Le système de santé s’est écroulé, il n’y a plus de médication pour les enfants et les hôpitaux n’arrivent même plus à se chauffer.

C’est la malnutrition qui prend de plus en plus d’ampleur, insiste la directrice de Vision mondiale en rapportant que des parents tentent de vendre leurs enfants en adoption à l’étranger ou à vendre leurs organes pour subvenir aux besoins de leur famille.

À Kaboul, l’air froid de l’hiver s’épaissit avec la pollution que génèrent les feux de poubelles que les gens allument pour se réchauffer, observe Mary-Ellen McGroarty.

La clientèle des programmes d’aide alimentaire d’urgence a aussi changé dans la capitale, mentionne-t-elle. De plus en plus de nouveaux visages se présentent, dont des familles qui appartenaient à la classe moyenne, des foyers gérés par des femmes et des agriculteurs frappés par de mauvaises récoltes.

Mme McGroarty dit espérer que l’esprit de Noël et la saison des bonnes actions entraînera davantage de dons pour venir en aide à cette population dans le besoin.

« On ne peut pas condamner les enfants, l’avenir de ce pays, à la faim et à la famine, tout simplement à cause de la loterie de la naissance », déplore-t-elle.

À Hérat, Asuntha Charles raconte avoir récemment visité une famille de cinq enfants dont les parents avaient réussi à trouver des carottes au marché. La famille en a mangé matin, midi et soir.

Cet exemple, dit-elle, devrait rester en tête des Canadiens lorsqu’ils se retrouveront devant des tables bien garnies de plusieurs plats alléchants.

« Peut-être que Noël pourrait être un peu plus significatif pour les Canadiens s’ils peuvent penser aux Afghans et contribuer afin que les enfants aient quelque chose à mettre dans leur assiette », espère-t-elle.