(Washington) Les États-Unis de Joe Biden ont fait planer mercredi la menace d’un recours à l’option militaire contre l’Iran en cas d’échec de la diplomatie pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme atomique, faisant pour la première fois clairement écho aux avertissements israéliens.

À la veille d’une visite cruciale du négociateur de l’Union européenne jeudi à Téhéran, l’impatience monte côté américain, mais aussi européen, et le changement de ton est manifeste.

Washington pense « qu’une solution diplomatique est la meilleure manière » d’éviter que la République islamique devienne une puissance nucléaire, a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken lors d’une conférence de presse avec son homologue israélien Yaïr Lapid dans la capitale américaine.

Mais il a jugé peu « encourageants » les signaux émanant de Téhéran, qui n’a toujours pas fixé de date pour la reprise des négociations visant à sauver l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien, à l’arrêt depuis juin.

« Il faut être deux pour dialoguer et nous n’avons pas constaté, à ce stade, de volonté d’en faire autant de la part de l’Iran », a déploré le secrétaire d’État, estimant une nouvelle fois que la « fenêtre de tir » se refermait à grands pas.

« Nous sommes prêts à nous tourner vers d’autres options si l’Iran ne change pas de direction », a-t-il prévenu alors qu’il était interrogé sur la possibilité du recours à la force. « Nous envisagerons toutes les options. »

À ses côtés, le ministre israélien a enfoncé le clou, sans être contredit. « En disant “d’autres options”, je pense que tout le monde comprend », a-t-il lancé, dans une allusion claire à l’option militaire.

PHOTO ANDREW HARNIK,ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le ministre des Affaires étrangères israélien, Yaîr Lapid.

Yaïr Lapid a d’ailleurs été encore plus explicite au nom de l’État hébreu, opposé de longue date à l’accord de 2015 qu’il juge insuffisant.

« Protéger le monde »

« Le secrétaire d’État Blinken et moi sommes des enfants de survivants de l’Holocauste. Nous savons qu’il y a des moments où les nations doivent avoir recours à la force pour protéger le monde du Mal », a-t-il déclaré. « Israël se réserve le droit d’agir à tout moment, et quels que soient les moyens », a-t-il martelé.

L’ex-président américain Donald Trump a claqué la porte en 2018 de cet accord conclu entre l’Iran et les grandes puissances, et a rétabli les sanctions américaines qu’il avait permis de lever. En retour, Téhéran s’est de plus en plus affranchi des restrictions censées empêcher que son programme nucléaire aboutisse à la fabrication de la bombe.

Le président Biden s’est lui dit prêt à revenir dans l’accord à condition que l’Iran renoue parallèlement avec ses engagements.

Des négociations indirectes entre Washington et Téhéran, par l’intermédiaire des autres signataires, ont démarré en avril à Vienne pour sauver cette entente, mais sont suspendues depuis l’élection en juin d’un nouveau président iranien.

Le négociateur européen Enrique Mora, coordonnateur du texte de 2015, est attendu jeudi à Téhéran.

« Je vais insister sur l’urgence de reprendre les négociations », a-t-il tweeté mercredi.

PHOTO PRÉSIDENCE IRANIENNE, VIA ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président iranien Ebrahim Raïssi (à gauche) accompagné du chef de l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran Mohammed Eslami, visitant la centrale nucléaire de Bushehr, en Iran. La photo a été diffusée par la présidence iranienne le 8 octobre 2021.

Même frustration côté français, où l’on regrette l’absence de « clarté » iranienne, un « refus de négocier » et les « faits accomplis sur le terrain qui compliquent encore plus le retour » à l’accord.

Dans ce contexte où le pessimisme semble s’imposer, Yaïr Lapid était venu à Washington pour réclamer au gouvernement Biden un « plan B alternatif ».

Et les Américains, longtemps réticents à évoquer autre chose qu’un retour à l’accord, ont changé de stratégie en évoquant eux-mêmes ouvertement l’hypothèse d’un échec.

« Nous sommes réalistes. Nous savons qu’il existe au moins une forte possibilité que l’Iran choisisse une autre voie » qu’un rétablissement de l’accord, a aussi déclaré mercredi l’émissaire américain pour l’Iran, Rob Malley.

Le négociateur américain a annoncé qu’il se rendrait dans les prochains jours en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar pour évoquer notamment les « options » pour « contrôler le programme nucléaire iranien » si les négociations n’aboutissent pas.

« Accords d’Abraham »

Antony Blinken et Yaïr Lapid ont aussi tenu mercredi une réunion à trois avec leur homologue émirati, Cheikh Abdallah ben Zayed Al Nahyane, pour tenter de relancer la dynamique du processus de reconnaissance d’Israël par les pays arabes.

« Nous sommes déterminés à continuer de faire fructifier les efforts du précédent gouvernement pour élargir, au cours des prochaines années, le cercle des pays aux relations normalisées avec Israël », a dit le secrétaire d’État américain.

Ces « accords d’Abraham » de reconnaissance d’Israël avaient été signés en septembre 2020 par les Émirats et Bahreïn, sous l’égide de Donald Trump qui en a fait l’une de ses principales réussites diplomatiques.

Le Maroc avait suivi cet exemple, ainsi que le Soudan.