(Doha) Le Qatar et la Turquie sont à la manœuvre avec les talibans pour assurer « dès que possible » la réouverture de l’aéroport de Kaboul, fermé depuis le départ des Américains en début de semaine et devenu un enjeu stratégique et humanitaire majeur.

Après avoir été mercredi le premier pays étranger à poser un avion sur le tarmac de la capitale afghane depuis le départ des derniers responsables américains, l’émirat du Golfe a confirmé jeudi travailler d’arrache-pied pour reprendre les opérations techniques des structures aéroportuaires.

Le Qatar est « confiant quant à la possibilité de gérer les opérations dès que possible », a déclaré Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, chef de la diplomatie qatarie, lors d’une conférence de presse avec son homologue britannique Dominic Raab.

« Il n’y a pas encore d’accord » ni de calendrier, a-t-il toutefois précisé, rappelant les talibans à leur « engagement de fournir un passage sûr » à tous ceux qui veulent sortir d’Afghanistan.

« Nous sommes toujours au stade de l’évaluation », mais « nous travaillons dur », a ajouté le ministre qatari, dont le riche pays, qui entretient des liens étroits avec les talibans au pouvoir à Kaboul depuis le 15 août, a depuis de longs mois joué le rôle de médiateur dans les discussions sur l’avenir de l’Afghanistan.

Vulnérable aux attentats

Mercredi puis jeudi, deux avions en provenance de Doha ont atterri à Kaboul avec à leur bord des experts chargés d’évaluer la situation sécuritaire et technique. L’enjeu est de mettre en place des équipes capables de faire tourner des installations que les talibans ne sont pas en mesure de gérer eux-mêmes.

Outre le Qatar, la Turquie est en première ligne dans ces discussions.

Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu a affirmé que son pays évaluait « toutes » les « demandes de coopération » pour la réouverture, qu’elles émanent des talibans ou d’autres pays.

Mais la sécurité reste ce qui est « le plus important », a-t-il dit.

Selon le ministre turc, les nouveaux maîtres islamistes de l’Afghanistan ont jusqu’ici insisté pour prendre en charge eux-mêmes la sécurité de l’aéroport, une solution insuffisante pour rassurer la communauté internationale. Il a évoqué la possibilité de confier cette tâche à des sociétés privées, sans que l’on sache si les ex-insurgés y seront favorables.

Pour que des compagnies charter ou commerciales « acceptent de se poser dans un aéroport comme Kaboul, elles voudront des garanties sur la sécurité », a aussi insisté à Washington le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price. « La question de la sécurité est fondamentale pour avoir un aéroport commercial opérationnel, ouvert, capable d’accueillir l’aide humanitaire et de permettre le départ » de ceux qui veulent quitter l’Afghanistan, a-t-il souligné.

L’aéroport international est situé à peine à 5 kilomètres du centre de Kaboul, avec une seule piste de décollage, obligeant les appareils à tourner au-dessus de la ville lorsque celle-ci est occupée.  

Une localisation qui le rend vulnérable aux tirs de mortiers et roquettes et autres attentats, comme l’a démontré celui revendiqué par le groupe djihadiste État islamique au Khorasan (EI-K), qui a fait plus d’une centaine de morts, dont 13 Américains, le 26 août.

« Grand intérêt »

Cette branche locale de l’EI entretient des relations exécrables avec les talibans et la direction du groupe a promis de continuer à les combattre.

Mais les talibans, revenus au pouvoir vingt ans après en avoir été chassés par les Américains, sont désormais au pied du mur et doivent refaire fonctionner le pays, son administration et ses infrastructures essentielles.

Un responsable de l’aviation civile afghane a déclaré à la télévision Al-Jazeera que le Qatar prévoyait de débuter « bientôt » l’exploitation de l’aéroport. « Les vols intérieurs reprendront demain. Pour l’international, cela va prendre du temps », a-t-il assuré.

Le retour des islamistes avait obligé les Occidentaux à évacuer dans la précipitation leurs ressortissants ainsi que des Afghans susceptibles de subir des représailles des talibans.

La réouverture de l’aéroport a d’ailleurs été plus ou moins explicitement évoquée par tous les interlocuteurs du Qatar cette semaine, dont les ministres des Affaires étrangères allemand et néerlandais, avant l’Italien attendu dimanche.

Jeudi, c’est le Britannique Dominic Raab qui a confirmé à Doha son intérêt pour la question.

Rappelant que Londres avait évacué quelque 17 000 citoyens britanniques, afghans et autres depuis avril, il a réaffirmé la nécessité de s’assurer que ceux qui étaient restés à Kaboul puissent venir au Royaume-Uni. « C’est pourquoi nous regardons avec grand intérêt ce qui peut être possible à l’aéroport de Kaboul », a-t-il fait valoir.