(Kaboul) A l’aéroport de Kaboul, une course contre la montre est engagée pour évacuer dans l’urgence le plus possible d’étrangers et d’Afghans qui veulent fuir l’Afghanistan avant le 31 août, date limite fixée par les talibans pour le départ des forces américaines.

Plusieurs civils ont péri dans les scènes de panique et de désespoir qui se succèdent à l’aéroport, la seule porte de sortie du pays, depuis le retour au pouvoir des talibans le 15 août.

L’armée allemande a annoncé la mort d’un garde afghan tôt lundi dans un affrontement avec des assaillants non identifiés et des soldats allemands et américains ont pris part à « des échanges de tirs ultérieurs ».

Les talibans ont prévenu qu’ils n’accepteraient pas de prolongation des évacuations après le 31 août, date fixée par les États-Unis pour le retrait définitif de leurs forces d’Afghanistan. Le président américain Joe Biden, sous la pression de ses alliés, avait ouvert la porte à un maintien des soldats sur place au-delà de cette date.

« Si les États-Unis ou le Royaume-Uni demandent plus de temps pour poursuivre les évacuations, la réponse est non. Ou il y aura des conséquences », a réagi le porte-parole des talibans Suhail Shaheen.

L’Allemagne a annoncé lundi être en discussions avec les États-Unis, la Turquie et d’autres partenaires afin de garder l’aéroport de Kaboul ouvert pour les évacuations après le 31 août et qu’elle allait « continuer à (en) discuter avec les talibans ».

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est également déclaré « préoccupé (par) la date butoir. Un délai supplémentaire est nécessaire pour mener à bien les opérations en cours ».

Pour accélérer les évacuations, les États-Unis ont réquisitionné des avions de compagnies privées qui ne décolleront pas de Kaboul, mais aideront au transport vers des pays tiers, comme le Qatar et les Émirats arabes unis.  

« Mathématiquement impossible »

Des milliers de personnes ont déjà été exfiltrées à bord d’appareils dépêchés par les pays occidentaux pour évacuer leurs ressortissants, leur personnel diplomatique et les citoyens afghans qui ont travaillé avec eux ainsi que leurs proches.

Environ 11 000 personnes ont été évacuées d’Afghanistan via l’aéroport de Kaboul au cours des 12 dernières heures et 53 000 depuis juillet, a indiqué lundi la Maison-Blanche.

M. Biden a déclaré la semaine dernière que les États-Unis prévoyaient d’évacuer tous les Américains (entre 10 000 et 15 000 personnes) et espéraient pouvoir faire de même pour leurs alliés afghans et leurs familles (entre 50 000 et 65 000 personnes).

« Les Américains veulent faire sortir 60 000 personnes avant la fin du mois. C’est mathématiquement impossible », avait jugé samedi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

« Nous pensons avoir le temps d’ici le 31 (août) de faire partir tous les Américains qui le veulent », a toutefois estimé lundi le conseiller à la sécurité nationale à la Maison-Blanche, Jake Sullivan.

Les talibans ont accusé dimanche Washington d’être responsable du chaos à l’aéroport. « Cela doit cesser le plus tôt possible », a déclaré un haut responsable taliban, Amir Khan Mutaqi.

Le rôle des pays du Golfe

Plus de 7000 personnes ont été évacuées d’Afghanistan vers le Qatar, selon cet État du Golfe. Les Émirats disent avoir facilité la sortie de 8500 personnes, avec leurs propres avions ou via leurs aéroports.

Selon l’ambassadeur des États-Unis au Koweït dimanche, ce pays a permis l’évacuation de 850 citoyens américains et membres du personnel diplomatique aux États-Unis.

La compagnie nationale de Bahreïn, Gulf Air, a annoncé un vol commercial de sa base aérienne d’Isa jusqu’à Washington.

Par ailleurs, la Jordanie a approuvé le transit sur son territoire de 2500 Afghans exfiltrés de Kaboul qui doivent rejoindre les États-Unis.

Rotations aériennes en Europe

Le Royaume-Uni a évacué plus de 5700 personnes depuis le 13 août, dont 3100 Afghans.

L’Allemagne a embarqué près de 3000 personnes de 38 nationalités sur 21 vols.  

Par ailleurs, les États-Unis ont organisé l’évacuation de quelque 5000 personnes vers leur base militaire de Ramstein, en Allemagne.

L’Italie a exfiltré environ 1990 civils afghans en moins d’une semaine et compte en emmener encore 1300 autres se trouvant actuellement à l’aéroport de Kaboul en attente d’évacuation.

La France, où a atterri dans la nuit de dimanche à lundi un septième avion en provenance de Kaboul, a évacué une centaine de Français, une quarantaine d’étrangers et plus de 1000 Afghans.

Le Danemark a aidé 650 personnes à partir, dont au moins 45 Afghans et leurs familles. En Pologne, plus de 350 personnes sont déjà arrivées.

Les avions de l’opération militaire belge ont permis d’évacuer à ce stade « environ 700 personnes », a déclaré lundi soir la ministre belge de la Défense Ludivine Dedonder. Il s’agit d’Afghans, de Belges, mais aussi de Néerlandais et de Danois.

L’Espagne a accueilli à ce stade 710 personnes évacuées. Le pays sert aussi désormais, via ses bases de Rota et Moron en Andalousie (sud), de pays de transit pour des évacuations de collaborateurs des États-Unis et il va recevoir, dans ce cadre, 4000 Afghans « pour une période de 15 jours », a indiqué lundi la ministre de la Défense Margarita Robles.

La Suède a évacué plus de 170 personnes, dont 68 ayant travaillé pour son armée qui ont eu des permis de résidence.

La Hongrie, la Bulgarie, l’Autriche ont aussi exfiltré des dizaines de personnes.  

La Suisse, d’où un avion de 300 places s’est envolé lundi pour Tachkent afin de transporter des personnes évacuées de Kaboul en Ouzbékistan, a déjà accueilli une centaine de personnes, dont au moins 11 Suisses et des Afghans avec leurs familles.

Réticences turque et russe

Le président russe Vladimir Poutine a appelé dimanche à empêcher les flux de réfugiés afghans, parmi lesquels pourraient se trouver des « combattants déguisés ».

« Mais qui peut être (caché) parmi ces réfugiés, comment peut-on le savoir ? », a-t-il dit.

Le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a exhorté l’UE à soutenir « les pays proches de l’Afghanistan afin de s’assurer que des flux supplémentaires de réfugiés n’arrivent pas en Europe ».  

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé dimanche que la Turquie ne pourrait « endosser la responsabilité des pays tiers » pour accueillir les Afghans aujourd’hui menacés après avoir travaillé pour des institutions occidentales.