(Kaboul) Une semaine après la secousse causée dans le monde par leur prise du pouvoir en Afghanistan, les talibans ont reproché dimanche aux États-Unis d’être responsables du chaos à l’aéroport de Kaboul, où des dizaines de milliers d’Afghans tentent toujours de quitter leur pays à tout prix.

Face à cette situation, les dirigeants du G7 vont tenir une réunion virtuelle mardi, a annoncé le premier ministre britannique Boris Johnson, dont le pays assure actuellement la présidence du groupe.

« Il est vital que la communauté internationale travaille ensemble pour assurer des évacuations sûres, prévenir une crise humanitaire et aider le peuple afghan à protéger les progrès [réalisés] les 20 dernières années », a-t-il ajouté.

À Kaboul, des milliers de familles terrifiées cherchent toujours à fuir via l’aéroport, bien que Washington ait mis en garde contre des menaces pour la sécurité en ce lieu et que l’Union européenne ait estimé « impossible » d’évacuer toutes les personnes menacées par les talibans.

Depuis leur entrée dans Kaboul le 15 août, les islamistes tentent de convaincre la population qu’ils ont changé, affirmant que leur politique sera moins brutale que lorsqu’ils étaient à la tête du pays de 1996 à 2001. Mais cela n’endigue pas le flot de ceux qui ne croient pas en leurs promesses et veulent désespérément partir.

PHOTO RAHMAT GUL, ASSOCIATED PRESS

Des talibans vérifient le contenu du coffre d’une voiture arrêtée à un point de contrôle dans le quartier Wazir Akbar Khan de Kaboul, le 22 août.

« L’Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements […], a échoué à ramener l’ordre à l’aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n’y a que le chaos à l’aéroport de Kaboul […] Cela doit cesser le plus tôt possible », a déclaré dimanche un haut responsable taliban, Amir Khan Mutaqi.

Sept Afghans sont morts dans cette gigantesque cohue à l’aéroport, a annoncé dimanche le ministère britannique de la Défense, sans dire s’il parlait d’un seul incident ou de plusieurs, ni quand cela avait eu lieu.

Un journaliste, faisant partie d’un groupe d’employés de presse et d’universitaires qui a eu la chance d’accéder à l’aéroport dimanche, a décrit des scènes d’Afghans totalement désespérés s’accrochant à leur bus au moment où ils y pénétraient.

« Ils nous montraient leurs passeports et criaient : “Emmenez-nous avec vous, s’il vous plaît emmenez-nous avec vous” », a raconté ce journaliste.

La chaîne britannique Sky News avait diffusé samedi les images d’au moins trois corps recouverts d’un drap blanc, reposant à l’extérieur de l’aéroport. Les circonstances de leur mort ne sont pas connues.

Espérer un miracle

Espérant toujours un miracle, des familles demeurent massées entre les barbelés qui entourent le périmètre séparant les talibans des troupes américaines, et l’accès à l’aéroport reste très difficile.

Le président américain Joe Biden a reconnu vendredi que l’opération d’évacuation était l’une des « plus difficiles de l’histoire ».

PHOTO OMAR HAIDARI VIA REUTERS

Un bébé est remis à un soldat américain par-dessus un mur entourant l’aéroport de Kaboul, le 19 août.

Washington a réquisitionné les avions de plusieurs compagnies aériennes privées afin d’aider à l’évacuation, a annoncé le ministère américain de la Défense.

Ces avions ne décolleront pas de l’aéroport de Kaboul, a précisé le Pentagone, mais aideront à transporter les personnes ayant été évacuées vers des pays tiers, comme le Qatar ou les Émirats arabes unis.

Les États-Unis, qui ont déployé des milliers de soldats pour tenter de sécuriser l’aéroport, ont fixé au 31 août la date limite pour terminer les opérations d’évacuation. Cette date correspond à celle du retrait définitif prévu des forces américaines présentes en Afghanistan.

Washington prévoit d’évacuer entre 10 000 et 15 000 de ses ressortissants, et de 50 000 à 60 000 Afghans et leurs familles, selon l’administration Biden. Mais un nombre considérable d’autres personnes tentent de fuir.

« Nous nous battons à la fois contre le temps et l’espace », a reconnu samedi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. D’autres hauts responsables étrangers avaient cependant des mots plus durs.

« Ils veulent évacuer 60 000 personnes d’ici la fin du mois. C’est mathématiquement impossible », a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

« Gouvernement inclusif »

Ce dernier a affirmé avoir fait part aux Américains du fait que les mesures de sécurité à l’aéroport sont trop strictes et empêchent les Afghans qui travaillaient pour les Européens d’y pénétrer.   

Depuis le 14 août, environ 25 100 personnes ont été évacuées d’Afghanistan à bord d’avions militaires américains et de pays alliés, selon la Maison-Blanche.

Dimanche, le président russe Vladimir Poutine a appelé à empêcher un afflux de réfugiés en provenance d’Afghanistan parmi lesquels pourraient se cacher des « combattants déguisés ».  

« Nos partenaires occidentaux demandent avec insistance d’accueillir les réfugiés dans les pays d’Asie centrale jusqu’à ce qu’ils aient un visa pour les États-Unis ou pour d’autres pays », a déclaré M. Poutine.  

« Mais qui peut être [caché] parmi ces réfugiés, comment peut-on le savoir ? », a-t-il souligné, en estimant que « des centaines, voire des centaines de milliers ou peut-être des millions » de personnes pourraient vouloir fuir le pays.  

Pour sa part l’Organisation de la coopération islamique (OCI), basée en Arabie saoudite, a dit craindre que l’Afghanistan ne devienne un « refuge terroriste ».  

Elle a annoncé qu’elle enverrait des émissaires en Afghanistan pour souligner l’importance de « la paix, la stabilité et la réconciliation nationale ».

Les talibans ont accepté que l’armée américaine supervise les évacuations, ce qui leur permet de se focaliser sur la manière dont ils entendent gouverner le pays après le départ des forces étrangères.  

Des responsables talibans ont affirmé travailler à l’« établissement d’un gouvernement inclusif ».

Les talibans sont entrés la semaine dernière dans Kaboul sans rencontrer de résistance.  

Une poche de résistance aux talibans s’est formée dans la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul. Ce Front national de résistance (FNR) est notamment emmené par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud assassiné en 2001 par Al-Qaïda.

Alors que les talibans avaient annoncé vendredi « l’allégeance » à leur mouvement d’Ahmad Massoud, un porte-parole du FNR a déclaré que le Front se prépare à « un conflit de longue durée » avec les talibans s’il ne parvient pas à négocier la formation d’un gouvernement inclusif.