(Kaboul) L’Australie a annoncé mardi la fermeture prochaine de son ambassade en Afghanistan, dans un contexte de craintes grandissantes pour la sécurité dans la capitale Kaboul suite au retrait en cours des troupes américaines.

Mais les talibans ont annoncé mardi qu’ils « ne poseront aucune menace » aux diplomates et humanitaires étrangers.

« Nous leur fournirons un environnement sûr pour leurs activités », a ajouté le porte-parole des talibans Mohammad Naeem à l’AFP.

L’ambassade de l’Australie fermera de manière « provisoire » le 28 mai « en raison de l’imminent retrait militaire international d’Afghanistan », a précisé le premier ministre australien Scott Morrison.

« Nous renouerons avec une présence permanente à Kaboul quand les circonstances le permettront », a-t-il souligné.

Environ 80 militaires australiens vont également quitter l’Afghanistan. Des dizaines de milliers d’entre eux y auront été déployés ces dernières années pour un coût de plusieurs milliards de dollars.

« De plus en plus incertain »

Une fois les forces américaines parties, « l’environnement sécuritaire (sera) de plus en plus incertain », a noté M. Morrison.

« Le gouvernement a été informé que les arrangements sécuritaires nécessaires à une présence diplomatique continue ne pouvaient pas être fournis », a expliqué M. Morrison.

Les Américains et l’OTAN ont entamé le 1er mai un retrait final d’Afghanistan qui doit être achevé pour le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre. Mais ce processus a été marqué par un regain de violences entre les talibans et le gouvernement afghan.

Les insurgés tentent en effet de profiter du retrait pour gagner du terrain et ont récemment capturé plusieurs districts proches de la capitale.

Les diplomates occidentaux luttent aujourd’hui pour trouver des moyens d’assurer la sécurité de leurs civils en Afghanistan malgré les craintes d’un retour des talibans.

« La seule motivation pour les ambassades étrangères de rester est le travail humanitaire […] si leurs employés sont en danger, ils n’ont aucune raison de rester », a expliqué un responsable sécuritaire étranger basé à Kaboul.

Selon Nishank Motwani, un expert sur l’Afghanistan basé en Australie, les talibans vont considérer l’annonce de M. Morrison comme une victoire.

« Les talibans vont voir cela […] comme un signe évident que les autres pays de l’OTAN et leurs partenaires vont probablement fermer leurs missions diplomatiques », a-t-il expliqué.

Quand les insurgés ont pris le contrôle de Kaboul dans les années 1990 s, ils sont entrés dans le siège de l’ONU, où ils ont kidnappé et brutalement assassiné l’ex-président afghan Najibullah Ahmadzai.

En 1998, sous leur gouvernement, 10 diplomates iraniens ont été assassinés à leur consulat dans la ville de Mazar-i-Sharif.  

Le ministère des Affaires étrangères afghan a déclaré quant à lui espérer que l’Australie reconsidérerait sa décision et s’est dit engagé à protéger les diplomates.

« Triste signal »

Les États-Unis ont quant à eux ordonné en avril le départ du personnel non essentiel de leur ambassade à Kaboul.

Le futur des ambassades dépend aujourd’hui d’un élément de taille : un aéroport suffisamment sûr pour assurer la logistique et la sécurité des ambassades étrangères à Kaboul, regroupées dans la « zone verte », l’enceinte ultra-sécurisée du centre de la capitale qui dispose d’un héliport, mais qui dépend de l’aéroport international pour son accès au reste du monde.

L’annonce de M. Morrison a surpris certains spécialistes en Australie.

« Je peux comprendre en partie pourquoi ils souhaitent fermer, mais je pense que c’est un triste signal que nous souhaitions nous en aller comme cela après vingt ans d’investissement, de sang, d’efforts et de chagrin », a déclaré John Blaxland, professeur de Sécurité internationale à l’Université nationale australienne.

« Il n’est pas gravé dans le marbre que les talibans vont prendre le contrôle dans les semaines à venir. Les forces de sécurité afghanes sont toujours présentes et assez puissantes », a-t-il précisé.

« Ce n’est pas Saïgon en 1975 », a-t-il ajouté, faisant référence à l’évacuation en hélicoptère du personnel de l’ambassade des États-Unis au Vietnam du Sud alors que le Vietcong et les forces communistes prenaient le contrôle de la ville.

M. Blaxland s’est également dit inquiet que les employés afghans qui travaillent pour le gouvernement australien ne soient quant à eux pas évacués.

« C’est quelque chose qui, si ne nous en occupons pas, sera une honte que nous devrons porter pendant des années », a-t-il déploré.

Les troupes australiennes en Afghanistan se sont déjà retrouvées au cœur d’un scandale.

Leur plus haut responsable militaire a notamment admis en novembre l’existence de preuves crédibles établissant que ses forces spéciales avaient « tué illégalement » au moins 39 civils et prisonniers afghans.

Un procureur spécial pour crimes de guerre a ensuite été saisi pour enquêter et juger les responsables.