Dans le ciel israélien, les projectiles se sont succédé, laissant une traînée blanche dans leur sillage. On estime qu’en 10 jours, le Hamas, groupe sur la liste des organisations terroristes au pouvoir dans la bande de Gaza, a lancé quelque 4000 roquettes. Une augmentation par rapport aux hostilités précédentes.

« Ils ont tiré une plus large quantité », note Michael Armstrong, professeur agrégé de recherches opérationnelles à l’Université Brock, en Ontario.

La première semaine, ils tiraient une moyenne de 408 roquettes par jour, alors que le maximum dans les campagnes précédentes était de 316, et en 2014, c’était encore plus bas.

Michael Armstrong

Les chiffres sont ceux fournis par Israël et les médias locaux, précise-t-il, sans moyens indépendants de les vérifier. Les témoignages sur place, avec les sirènes anti-bombes résonnant de nombreuses fois par jour et les dommages, confirment cependant une augmentation des tirs à partir de la bande de Gaza par rapport aux escalades précédentes.

Israël affirme avoir intercepté 90 % des roquettes avec son système « Iron Dome », neutralisant les projectiles lorsqu’ils risquent de s’abattre sur la population. Les attaques ont fait 12 morts du côté israélien en 10 jours.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des roquettes sont lancées vers Israël de la ville de Gaza.

Nouvelle stratégie ?

Le Hamas semble avoir ajusté sa stratégie pour tenter de déjouer ce bouclier, lançant des salves de tirs. Il a aussi utilisé davantage de roquettes à longue portée, capables d’atteindre Tel-Aviv, qu’auparavant.

L’arsenal du Hamas semble considérable, d’autant que des restrictions sévères sont en vigueur depuis 2007, lors de la prise de pouvoir du mouvement islamiste, suivies d’un blocus en 2009 qui limite l’entrée des biens sur le territoire.

Mais les roquettes ne sont pas des armes très sophistiquées. Il s’agit en fait de tubes de métal munis d’explosifs à la tête et de combustible à l’extrémité inférieure, explique M. Armstrong, lancés un peu comme des feux d’artifice. Contrairement aux missiles téléguidés, par exemple, ces armes n’ont pas de composante électronique et sont simplement positionnées vers la cible, sans contrôle par la suite.

Différentes théories

« Une grande question est : comment se fait-il que le Hamas a autant de roquettes ? », demande Raffaella Del Sarto, professeure agrégée en études du Moyen-Orient de l’Université Johns Hopkins, SAIS Europe.

Il y a différentes théories, explique-t-elle. « Certaines sont certainement entrées clandestinement du côté égyptien, note-t-elle. D’autres ont été construites en assemblant du mortier de la guerre de 2014 qui n’a pas explosé ou d’autres matériaux. Il y a une autre explication aussi, qui veut qu’en 2014, après le nettoyage des débris et la destruction, des tuyaux d’irrigation utilisés par les colons israéliens [qui vivaient dans la bande de Gaza jusqu’au plan de désengagement en 2005] aient été découverts et réutilisés pour fabriquer des roquettes. »

Le « métro » de Gaza

Depuis des années, des passeurs font aussi entrer des marchandises à Gaza grâce à des souterrains reliés à l’Égypte voisine, déjouant le blocus. Si les autorités égyptiennes ont détruit ces tunnels au fil des ans, d’autres ont pris leur place par la suite. Un réseau de tunnels sous la bande de Gaza, surnommé le « métro », est soupçonné de servir à faire circuler les armes et à les entreposer.

Avec ses raids, l’armée israélienne a indiqué avoir ciblé ces galeries.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

De la fumée s’élève au-dessus des bâtiments après une frappe aérienne israélienne sur la ville de Gaza.

Les frappes aériennes peuvent être efficaces pour détruire les souterrains, expliquent les spécialistes, mais font aussi des morts et des dommages matériaux en surface, dans un territoire de 2 millions d’habitants densément peuplé. Au moins 227 personnes ont été tuées en 10 jours dans la bande de Gaza.

Ces bombardements aériens servent un « double objectif », dit Mme Del Sarto : la dissuasion et la destruction ou, au moins, la réduction des capacités militaires du Hamas.

Premièrement, montrer qu’Israël se défend, que s’il est attaqué, il va réagir d’une façon très forte. Et le deuxième élément est vraiment d’essayer de détruire les infrastructures, à la fois militaires et politiques du Hamas.

Raffaella Del Sarto, professeure agrégée en études du Moyen-Orient de l’Université Johns Hopkins, SAIS Europe

Rex Brynen, professeur de sciences politiques à l’Université McGill, voit un troisième motif dans les hostilités : une joute politique, tant du côté du premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou, que du côté du Hamas, pour se poser en vainqueur auprès de leur base respective.

Avant de signer un cessez-le-feu, chaque partie a tenté de démontrer sa force. Mais la fin des bombardements ne signifie pas un règlement de la situation, insiste-t-il.

« Les roquettes et les bombes ne sont qu’un symptôme du problème », dit M. Brynen, soulignant que « toute une génération a grandi dans les territoires palestiniens depuis le début du processus de paix avec aucune chance de résoudre le conflit. C’est pour ça que nous voyons ces flambées de violence périodiques. Parce que le problème n’est pas réglé. »