La secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejčinović Burić, a mis en garde jeudi contre une interdiction par la justice turque du principal parti prokurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP), la jugeant « très problématique ».

« La potentielle interdiction du HDP est très problématique. Les formations politiques bénéficient de la protection de la Cour européenne des droits de l’homme » (CEDH), bras judiciaire du Conseil de l’Europe qui « protège le droit à la liberté d’association », a déclaré Mme Burić au quotidien conservateur allemand Die Welt.

Cette déclaration de Mme Burić intervient après qu’un procureur turc a saisi mercredi la plus haute cour du pays pour réclamer l’interdiction du HDP, bête noire du président turc Recep Tayyip Erdogan qui l’accuse d’activités « terroristes ».

Répression implacable

Troisième formation politique du pays, le HDP fait l’objet d’une répression implacable depuis le coup d’État manqué de 2016 contre M. Erdogan. Le parti a dénoncé à son tour un « putsch politique », accusant le président turc de chercher à le réduire au silence avant les prochaines élections.

Plus tôt dans la journée, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, avait affirmé que Parti démocratique des peuples remettrait en question l’État de droit en Turquie.

« Le retrait du mandat de député de Faruk Gergerlioglu et les poursuites pénales engagées contre de nombreux autres députés et membres du HDP s’inscrivent dans une évolution qui remet en cause l’État de droit en Turquie », a fustigé le ministre qui a aussi fait part de sa « grande préoccupation » face à la menace d’interdiction du principal parti prokurde et troisième formation politique du pays.

Au Conseil de l’Europe, on a par ailleurs « souligné le rôle prépondérant joué par les partis politiques dans une démocratie », a encore insisté la secrétaire générale du Conseil de l’Europe, vigie des droits de l’Homme sur le continent où il réunit 47 pays, dont la Turquie.

Pour le CEDH, la dissolution ou l’interdiction d’un parti « est une mesure extrême qui ne peut être justifiée qu’en dernier ressort dans une démocratie, dans des circonstances exceptionnelles », par exemple lorsqu’un « lien clair et direct entre un parti politique et une action criminelle d’une organisation terroriste est mise en évidence par des preuves solides devant des tribunaux indépendants, a insisté Mme Burić.

« Selon la jurisprudence de la Cour, l’interdiction d’un parti ne peut pas être justifiée par le simple fait qu’il cherche à débattre publiquement de la situation d’une partie de la population d’un État », a-t-elle ajouté.

La CEDH, relève-t-elle, a rendu « plusieurs jugements, y compris contre la Turquie, concluant que l’interdiction d’un parti politique avait enfreint les standards des droits de l’homme du Conseil de l’Europe ».