(Beyrouth) Le président libanais Michel Aoun a exhorté mercredi le premier ministre désigné Saad Hariri à former « rapidement » un gouvernement, faute de quoi il devrait céder la place alors que le pays est en plein effondrement économique.

M. Hariri a réagi peu après en faisant porter la responsabilité du blocage dans la formation du gouvernement à M. Aoun.

Ces déclarations surviennent alors que des Libanais ont manifesté mercredi devant le ministère de l’Économie à Beyrouth, dénonçant l’hyperinflation et l’érosion du pouvoir d’achat dans un pays en proie à une dépréciation monétaire sans précédent.

« Je l’invite au palais (présidentiel) de Baabda pour former immédiatement le gouvernement en accord avec moi », a déclaré M. Aoun dans une allocution télévisée.

« Mais s’il se trouve dans l’incapacité de former et de diriger un gouvernement de salut national chargé de faire face à la situation dangereuse qui secoue le pays, il n’a d’autre choix que de céder la place à tous ceux qui sont capables de mener cette tâche », a-t-il ajouté.

« Je lance un appel sincère au premier ministre désigné pour qu’il choisisse rapidement l’une des deux options », a dit M. Aoun.

Depuis la démission du gouvernement de Hassan Diab après une énorme explosion à Beyrouth en août, la classe politique n’a pas réussi à s’entendre sur la formation d’un nouveau cabinet capable de mener des réformes alors que le pays est au bord du chaos économique.

Trois fois premier ministre du Liban, Saad Hariri a été chargé en octobre de former un gouvernement, mais ce processus a été retardé par les marchandages interminables entre les principaux partis au pouvoir.

Plus tard dans un communiqué, M. Hariri s’est déclaré surpris d’avoir reçu une invitation via un discours télévisé.

Il a affirmé être prêt à rendre visite à M. Aoun « pour la 17e fois pour se mettre d’accord sur la composition d’un gouvernement non partisan de technocrates qui est entre ses mains depuis plusieurs semaines ».

« Si le président se trouve incapable de signer le décret formant ce gouvernement capable de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour arrêter l’effondrement dont souffre le pays […] alors il devra ouvrir la voie à une élection présidentielle anticipée », a ajouté M. Hariri.

Une source diplomatique française a indiqué mercredi qu’Européens et Américains devaient accroître les « pressions » sur la classe politique libanaise pour obtenir la formation d’un nouveau gouvernement et que cela pourrait in fine aussi passer par des « sanctions ».

Le Liban, qui subit de plein fouet une crise économique aigüe depuis l’automne 2019, a connu mercredi un énième renchérissement du prix des carburants, après plusieurs semaines de hausses consécutives, sur fond de progression des cours du pétrole et de dépréciation monétaire.

La monnaie nationale a frôlé mardi sur le marché noir les 15 000 livres pour un dollar avant de repasser mercredi aux alentours de 14 000 livres pour un dollar. Le taux officiel est toujours fixé à 1507 livres pour un dollar.

Plus tôt à Beyrouth, des manifestants ont crié leur colère contre une nouvelle flambée des prix due à la dégringolade de la livre, a rapporté une correspondante de l’AFP.

« Nous nous entretuons pour un sac de couches et une boîte de lait », a lancé un manifestant au micro d’une chaîne locale.  

La classe politique « nous a humiliés », a-t-il lancé.

Le pays connaît une explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle. Plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU, tandis que les banques continuent d’imposer des restrictions draconiennes aux épargnants.