L'armée afghane pourrait constituer une menace sérieuse pour la sécurité du pays si l'aide internationale s'arrêtait brusquement à la suite d'un accord de paix entre les talibans et le gouvernement, a prévenu jeudi un rapport officiel américain.

Les États-Unis tentent de négocier un accord de paix entre les insurgés islamistes et le gouvernement afghan afin de mettre fin à 17 ans de guerre.

«Plus de 300 000 Afghans servent actuellement dans les forces de sécurité, la plupart étant armés», a déclaré John Sopko, qui dirige le Bureau de l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan (SIGAR), en présentant son rapport à Washington.

«Si en raison d'une baisse du soutien financier, ils ne recevaient plus leurs bulletins de salaire, cela pourrait représenter une menace sérieuse pour la stabilité de l'Afghanistan», estime-t-il.  

Depuis l'invasion de l'Afghanistan en octobre 2001 pour renverser le régime des talibans après les attaques du 11-Septembre, les États-Unis ont versé plus de 780 milliards de dollars d'aide au pays, dont 15% ont été consacrés à la reconstruction.

La plupart des fonds de reconstruction (63%, soit 83,1 milliards de dollars), ont été dépensés pour les services de sécurité afghans, notamment les salaires, le matériel, les infrastructures et la formation, indique le rapport.

Ces dernières années, l'aide financière aux forces armées afghanes s'est même renforcée, avec 4,8 milliards de dollars alloués en 2018, représentant 83% des fonds destinés à la reconstruction.

«Nul besoin d'un diplôme en mathématiques pour réaliser que si l'aide des donateurs diminue ou est supprimée, qu'il y ait ou non un accord de paix, le gouvernement afghan, et l'armée en particulier, seront dans une situation désespérée», explique John Sopko.

En cas d'accord de paix, quelque 60 000 combattants talibans lourdement armés devront être réintégrés dans la société civile afghane. «D'anciens talibans mécontents qui s'attendaient à toucher les dividendes de la paix pourraient retrouver un comportement violent et prédateur», prévient le rapport.

«Sans aide financière, le gouvernement afghan ne peut pas survivre», avertit-il. «Si la paix arrive, qu'elle soit durable, cela exige un prix que seuls les donateurs extérieurs peuvent payer». «C'est pourquoi nous publions ce rapport aujourd'hui - afin d'encourager les décideurs à penser à l'avenir».

L'émissaire des États-Unis pour l'Afghanistan Zalmay Khalilzad, engagé dans d'intenses négociations avec les talibans, est en tournée dans la région jusqu'au 10 avril au moins.

Les dernières négociations entre M. Khalilzad et les talibans le 12 mars à Doha ont semblé porter des fruits.

Un accord se profile pour prévoir un retrait des troupes américaines d'Afghanistan en échange d'une promesse des talibans de ne pas laisser le pays être utilisé par des extrémistes étrangers, ce qui avait motivé l'invasion américaine après les attentats du 11 septembre 2001 organisés par Al-Qaïda qu'abritait l'Afghanistan.

Mais le gouvernement afghan n'a pas été impliqué dans ces négociations.

Impatient face à ce conflit qui est le plus long mené par les États-Unis à l'étranger, le président Trump a ordonné à la fin de l'an dernier le retrait de la moitié du contingent américain, fort de 14 000 hommes.