Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a appelé jeudi au Caire les pays du Moyen-Orient à « dépasser les vieilles rivalités » pour contrer l'Iran, en niant le désengagement américain de la région malgré l'annonce du retrait militaire de Syrie.

Dans un discours à l'Université américaine du Caire, il a réaffirmé la ligne énoncée par Donald Trump dès 2017 à Riyad : union des alliés des États-Unis contre l'Iran chiite, plus que jamais désigné comme l'ennemi commun.

Il a d'ailleurs assuré que Washington continuerait d'oeuvrer, « par la diplomatie », pour « chasser » les Iraniens de Syrie, où ils sont impliqués militairement auprès du régime de Damas. Et s'assurerait « qu'Israël conserve la capacité militaire » à « se défendre contre l'aventurisme agressif du régime iranien ».

Alors que les pays du Golfe, où il doit se rendre à partir de vendredi, se déchirent en raison du contentieux entre le Qatar et l'Arabie saoudite, Mike Pompeo a plaidé pour faire aboutir une Alliance stratégique du Moyen-Orient, sorte d'OTAN arabe que Washington veut créer contre Téhéran. Et il a loué le rapprochement récent et inédit entre certains pays arabes et Israël.

« Force pour le Bien »

L'objectif du discours et de la longue tournée du secrétaire d'État est de démontrer la cohérence de la stratégie régionale des États-Unis au moment où plusieurs de leurs alliés sont désarçonnés par les décisions du président Trump, du retrait de Syrie à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, en passant par la sortie de l'accord sur le nucléaire iranien.

Tentant de prendre le contre-pied des critiques, il s'en est violemment pris, sans le nommer, à Barack Obama. Le prédécesseur de Donald Trump avait appelé, dans un discours également prononcé au Caire en 2009, à un « nouveau départ » avec le monde musulman.

Selon Mike Pompeo, l'ex-président démocrate a en fait « enhardi » le régime iranien et « gravement sous-estimé la ténacité et la brutalité de l'islamisme radical ».

C'est donc, a-t-il résumé, l'administration Obama qui a abandonné ses amis, et « l'Amérique revigorée » de Trump qui leur propose « le vrai "nouveau départ" » en étant « une force pour le Bien au Moyen-Orient ».

« Quand l'Amérique se désengage, le chaos suit », a martelé le chef de la diplomatie américaine. « L'Amérique ne se désengagera pas tant que le combat contre la terreur ne sera pas terminé », a-t-il assuré.

Cela va-t-il dissiper l'impression d'incohérence et d'improvisation qui flotte autour de la politique américaine au Moyen-Orient ? Pas sûr. Car tout en assurant que les États-Unis étaient de retour, Mike Pompeo a confirmé que le retrait de Syrie aurait bien lieu.

« Le président Trump a pris la décision de retirer nos troupes, nous allons le faire », a-t-il affirmé, se gardant toutefois de mentionner un calendrier.

Le retrait des quelque 2000 soldats américains déployés en Syrie pour combattre le groupe djihadiste État islamique (EI), annoncé à la surprise générale en décembre par Donald Trump, est perçu comme l'illustration des contradictions de sa stratégie - voire de l'absence de stratégie selon ses détracteurs.

« Aucune contradiction »

Après avoir évoqué un départ de Syrie immédiat et complet, Washington a rétropédalé en fixant des conditions loin d'être réunies : une défaite définitive de l'EI, mais aussi l'assurance que les combattants kurdes ayant lutté contre les djihadistes aux côtés des Américains seront protégés.

Or, la Turquie a renouvelé jeudi sa menace d'une offensive contre ceux qu'elle considère comme des « terroristes ».

« Il n'y a aucune contradiction », a pourtant lancé le secrétaire d'État américain.

« Notre engagement à continuer de prévenir la réémergence de l'EI est réel, important », « nous allons simplement le faire différemment dans un endroit spécifique, la Syrie », où les États-Unis interviennent militairement depuis 2014 au sein d'une coalition antidjihadiste, a-t-il ajouté.

Pour remplir ses objectifs, Washington compte s'appuyer sur ses plus proches partenaires. Mike Pompeo a ainsi rencontré jeudi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, salué comme « un partenaire solide dans la lutte contre le terrorisme ». Il a toutefois appelé l'Égypte, régulièrement accusée d'atteintes aux droits humains par les ONG, à « promouvoir les échanges d'idées libres et ouverts ».

Le chef de la diplomatie de Donald Trump s'est aussitôt attiré les critiques cinglantes d'ex-responsables de l'administration Obama.

« Dans un monde parallèle » où « la guerre en Irak » ou « la complicité de Washington dans la catastrophe humanitaire au Yémen n'auraient jamais eu lieu », « l'opinion arabe saluerait probablement de manière enthousiaste » son discours, a ainsi estimé Rob Malley, désormais président de l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group.

« Mais sur la planète terre, elle va le prendre pour ce qu'il est : un portrait autosatisfait et délirant de la politique de l'administration Trump au Moyen-Orient », a-t-il conclu.