Le chef de la rébellion au Yémen a promis mercredi de ne pas céder face aux forces progouvernementales, faisant craindre une bataille féroce à Hodeïda, port stratégique où les humanitaires s'inquiètent pour les civils et l'aide à une population menacée par la famine.

Dans ce pays pauvre ravagé par la guerre, les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, avec l'aide de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, tentent depuis 2015 de chasser les rebelles Houthis des vastes régions qu'ils ont conquises, dont la capitale Sanaa.

La reprise aux rebelles de Hodeïda, sur la mer Rouge, serait stratégique, car c'est par ce port que transitent près des trois quarts des importations et de l'aide nécessaire à la population.

Alors que des sources militaires yéménites ont fait état d'avancées des forces progouvernementales et que les combats se poursuivaient en périphérie sud, le chef rebelle a averti que ses hommes n'abandonneraient pas Hodeïda. Abdel Malik al-Houthi a assuré qu'ils ne se rendront « jamais », et ne remettront pas davantage « le contrôle » de la ville à la coalition sous commandement saoudien.

La cité est soumise à un pilonnage intensif depuis près d'une semaine. Les forces loyalistes ont avancé dans la nuit à pied ou à bord de pick-ups en direction du port, qu'elles cherchent visiblement à encercler, sous le couvert des raids aériens de la coalition.

« Urgent d'agir »

Un garçon de 15 ans est décédé mercredi dans un hôpital de la ville après avoir été blessé par des éclats d'obus, selon l'ONG Save the Children.  

Près de 40 combattants ont été tués ces dernières 24 heures dans les deux camps, ont rapporté des sources médicales. Depuis l'intensification, le 1er novembre, des frappes aériennes et des opérations au sol, au total près de 200 combattants ont péri.

Trente-cinq ONG ont lancé un appel à « une cessation immédiate des hostilités » au Yémen, où selon elles « 14 millions » de personnes sont « menacées par la famine ».

« Plus que jamais, il est urgent d'agir », écrivent les signataires, dont la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), Action Contre la Faim et Médecins du Monde.

« Après presque quatre ans de conflit, les Yéménites ne peuvent plus attendre ». La crise humanitaire est « la conséquence directe des restrictions sévères imposées par les parties au conflit à l'accès à la nourriture, au carburant, aux importations médicales et à l'aide humanitaire », affirment ces ONG.

« Le port de Hodeïda est vraiment la ligne de vie de ce pays », a expliqué à l'AFP Juliette Touma, responsable de la communication de l'UNICEF au Moyen-Orient.

Impasse

Mirella Hodeib, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Yémen, a appelé « toutes les parties à épargner les civils et les infrastructures civiles ». Elle a cité en particulier l'hôpital Al-Thawra, « l'un des plus grands de la ville », très proche de la « ligne de front ».

Des organisations internationales évoquent des barrages nocturnes qui empêchent les civils d'entrer ou de sortir de la ville, et demandent aux belligérants de « permettre le passage en sécurité des civils qui veulent fuir ».

Depuis plusieurs mois, la coalition antirebelle donne l'impression d'être dans une impasse militaire. Le Yémen est de fait quasiment divisé en deux, les forces progouvernementales contrôlant le sud et une bonne partie du centre et les rebelles le nord et une bonne partie de l'ouest.

La bataille de Hodeïda a lieu au moment où Washington, allié des Saoudiens, et l'ONU cherchent à relancer le processus de paix.

« Nous continuons d'exhorter toutes les parties à se réunir et à admettre qu'il n'y a pas de victoire militaire possible au Yémen », a réaffimé mercredi un porte-parole de la diplomatie américaine, Robert Palladino. « On a dit clairement aux responsables saoudiens, émiratis et yéménites, à tous les niveaux, que la destruction d'infrastructures vitales, ou les actes contre l'acheminement d'aide humanitaire vitale et de biens commerciaux, étaient inacceptables », a-t-il ajouté au sujet de la bataille de Hodeïda.

Selon des analystes, la pression diplomatique pourrait avoir incité les Saoudiens à chercher à obtenir le maximum de gains militaires avant d'éventuelles discussions, que les États-Unis souhaitent voir reprendre d'ici fin novembre. En septembre, un processus de consultations prévu par l'ONU à Genève avait échoué.

Depuis 2015, la guerre a fait quelque 10 000 morts et provoqué selon l'ONU la pire crise humanitaire au monde. Mais des responsables humanitaires estiment que le bilan réel des victimes est bien plus élevé.