Près de 55 millions d'Iraniens sont appelés à voter vendredi aux premières élections depuis l'accord nucléaire de juillet 2015, sur lesquelles le président modéré Hassan Rohani mise pour renforcer son assise face aux conservateurs.

Les Iraniens doivent renouveler les membres du Parlement et de l'Assemblée des experts, des religieux chargés de nommer et de remplacer au besoin le guide suprême, deux instances dominées par les conservateurs.

Les réformateurs avaient largement boycotté les législatives de 2012 pour protester contre la réélection, qu'ils jugeaient frauduleuse, du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009, laissant le champ libre aux conservateurs.

La réélection d'Ahmadinejad, qui avait entraîné des manifestations violemment réprimées par les forces de l'ordre, avait été critiquée par les leaders réformateurs de l'époque Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi qui sont en résidence surveillée depuis 2011.

Cette année, les réformateurs sont en course et, pour augmenter leurs chances, présentent des listes communes avec les modérés - qui peuvent être des conservateurs - pour les deux scrutins.

Le Conseil des gardiens de la constitution dominé par les conservateurs, qui supervise les élections, a cependant éliminé les principales figures du camp réformateur qui a dû se rabattre sur des candidats moins connus.

Sortir de l'isolement

Les Iraniens auront à choisir parmi plus de 6000 candidats - dont 586 femmes - pour renouveler les 290 membres du Parlement et parmi 161 pour les 88 membres de l'Assemblée des experts.

Les résultats des petites circonscriptions et des villes de province seront annoncés dans les 24 h, mais pour Téhéran il faudra attendre trois jours.

Ces scrutins interviennent six semaines après la levée de la plupart des sanctions internationales contre Téhéran, rendue possible par la conclusion en juillet 2015 d'un accord entre l'Iran et les grandes puissances sur le programme nucléaire iranien.

Cet accord historique doit permettre à l'Iran de sortir de son isolement et de relancer une économie affaiblie par près de dix ans de sanctions.

Élu en 2013, le président Rohani mise sur cette avancée majeure pour inverser la tendance en faveur de ses soutiens réformateurs et modérés, en particulier au Parlement. Cela l'aiderait, en partie grâce aux investissements étrangers attendus, à mettre en place une politique de réformes économiques et sociales avant la fin de son premier mandat en 2017.

Dans les classes populaires au pouvoir d'achat faible et au sein desquelles le chômage est le plus élevé, les attentes sont immenses.

«Les prix ont vraiment grimpé» ainsi que le taux de chômage, déplore Fatemeh Hodjati, femme au foyer de 40 ans d'un quartier défavorisé du sud de Téhéran.

«Je demande aux députés de créer des emplois pour les jeunes chômeurs, plus nombreux qu'avant. Beaucoup de jeunes deviennent vendeurs de rue (...) c'est une honte», affirme-t-elle.



PHOTO VAHID SALEMI, AP

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«Mort à l'Amérique»

Le chômage est d'environ 10 % en Iran, mais touche 25 % des jeunes, majoritaires dans ce pays de 79 millions d'habitants.

S'il a permis la conclusion de l'accord nucléaire, le guide suprême, Ali Khamenei, n'en demeure pas moins d'une grande méfiance à l'égard des puissances occidentales - en premier lieu les États-Unis pourtant signataires de l'accord nucléaire -, et met régulièrement en garde contre leur «infiltration» politique, économique et culturelle en Iran.

Au dernier jour de la campagne mercredi, il a prôné un Parlement fort face aux États-Unis. «Le peuple veut un Parlement courageux et dévot qui connaît ses devoirs et n'est pas intimidé par les États-Unis», a-t-il dit.

Les conservateurs applaudissent à ce discours et leurs dirigeants ont appelé à voter pour les candidats qui proclament «Mort à l'Amérique».

En réponse, les anciens présidents Mohammad Khatami (réformateur) et Akbar Hachemi Rafsandjani (modéré) ont appelé les électeurs à voter massivement pour les candidats pro-Rohani et ainsi barrer la route «à l'extrémisme».

À l'Assemblée des experts, la candidature d'Hassan Khomeiny, proche des réformateurs et petit-fils du fondateur de la République islamique l'ayatollah Rouhollah Khomeiny, a été rejetée au motif que ses «compétences religieuses» n'avaient pu être vérifiées.

M. Rafsandjani et le président Rohani sont eux-mêmes candidats à cette assemblée et espèrent que ses figures les plus conservatrices seront battues. Si c'était le cas, ce serait une victoire majeure pour eux.

Car l'Assemblée des experts pourrait être amenée à désigner le successeur de l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 76 ans.

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