Aujourd'hui, 13 avril, comme tous les ans, le Liban commémore le début de la guerre civile. Entre 1975 et 1990, le conflit a fait plus de 150 000 morts et réduit à néant les infrastructures du pays. Pourtant, très peu de jeunes Libanais connaissent l'histoire de cette guerre sanglante. En effet, plus de 20 ans après la fin du conflit, aucun manuel scolaire ne mentionne la guerre civile.

«Je ne sais pas exactement comment la guerre a commencé. Il me semble que c'est à cause des Palestiniens. Je ne m'y connais pas beaucoup», avoue Leonard Fakhry, 18 ans.

Il y a 40 ans aujourd'hui, l'attaque d'un autobus transportant des Palestiniens par des militants chrétiens plongeait le Liban dans 15 ans de guerre civile.

Malgré les nombreux vestiges du conflit, tels que les immeubles criblés de balles qui parsèment Beyrouth, la plupart des Libanais nés après la fin de la guerre, comme Leonard, connaissent très peu de choses sur les 15 années de conflit qui ont détruit leur pays.

«Nous n'avons pas étudié la guerre civile dans nos cours d'histoire. Parfois, nos professeurs mentionnaient les événements, mais c'est tout. J'aimerais connaître le passé de mes parents et ce qui leur est arrivé», explique quant à lui Marc Fawas, un étudiant en actuariat de 18 ans.

L'histoire interrompue

Au Liban, les manuels d'histoire s'arrêtent en 1946, avec le retrait des troupes françaises du pays. Depuis la fin de la guerre civile, les autorités libanaises n'ont pas réussi à parvenir à un consensus permettant de renouveler le curriculum d'histoire libanaise. Aucun manuel scolaire ne mentionne donc la guerre civile.

«Les factions libanaises n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les causes du conflit. C'est une querelle politique. La guerre civile est donc un sujet tabou dans les écoles libanaises», déplore Adonis Salem, professeur d'histoire au Collège Mont La Salle, au nord de Beyrouth, depuis 25 ans.

Les dangers de l'ignorance

Depuis la fin des combats en 1990, le Liban est régulièrement la proie de conflits sectaires et politiques. Pour leur part, les anciens seigneurs de guerre sont maintenant à la tête de partis politiques et siègent désormais au Parlement. Pourtant, rares sont les jeunes Libanais qui comprennent l'origine des problèmes confessionnels et politiques du pays.

«Quand j'ouvre le sujet, les élèves sont très curieux et posent beaucoup de questions, dit Jocelyne Helou, professeure d'histoire au Collège Notre-Dame de Jamhour, un collège chrétien. Mes élèves ne comprennent pas pourquoi, pendant longtemps, je n'allais pas à Beyrouth-Ouest, la partie musulmane de la ville. Ce qu'ils savent de la guerre civile, ils l'ont appris de leurs parents, mais il y a beaucoup de divisions, d'avis et d'opinions différentes entre les familles. C'est dangereux que les nouvelles générations ne connaissent pas leur histoire, car elles ne comprennent pas d'où viennent les problèmes entre les politiciens et les différentes religions du Liban», explique l'enseignante de 45 ans.

Manque de volonté politique

Selon Nayla Khodr Hamadeh, de l'Association libanaise pour l'histoire, le manque de volonté des autorités libanaises et l'instabilité politique expliquent la lenteur des autorités libanaises à renouveler le curriculum d'histoire libanais.

«Il y a bien eu une tentative en 2010, mais les troubles politiques l'ont fait échouer. Il n'y a pas que la guerre civile qui pose problème. La question de la résistance à Israël et la révolution du Cèdre en 2005, par exemple, sont aussi des sujets sensibles. Chaque parti essaie d'imposer son idéologie. Nous avons donc décidé de créer nous-mêmes un programme que nous testons entre-temps dans certaines écoles, avec les professeurs», explique-t-elle.

Pour les activistes et historiens, seuls un consensus et une approche objective de l'histoire permettront au Liban de panser ses plaies et d'éviter de nouvelles tragédies.

«On dit que l'histoire est racontée par les vainqueurs. Or, dans le cas de la guerre civile libanaise, il n'y avait pas vraiment eu de vainqueur, donc pas de vraie histoire», soutient Adonis Salem.